L'analyse qui est faite des errements des années trente et de la campagne de 40 reste malheureusement à ce qu'il me semblebeaucoup trop franco - française (il ne s'agit pas du tout d'un jugement particulier sur votre analyse).
Je pense profondément quant à moi que la France, par fierté et dans le souvenir de 14 - 18 s'est donnée et se donne encore aujourd'hui une fausse image de grande puissance devant être capable de tenir tête seule ou presque à l'Allemagne. Or en 1918, l'Allemagne est battue non par la France mais par une coalition militaire menée par la France qui aligne à ce moment moins de la moitié des forces alliées. Qu'en est -il en 1940 ?
Quelques élements de reflexion en vrac:
1/ Au plan matériel, l'effort français de 1940 est proportionnellement incomparablement supérieur à l'effort allemand et le parc disponible dans presque tous les domaines (exception de l'aviation) est supérieur à celui du Reich pourtant plus peuplé et malgré la soi disant captation de crédits par la ligne Maginot. Au plan numérique brut, que fallait il de plus ? (en dehors d'une aviation mieux modernisée)
2/ Pourquoi évoquer l'effondrement de la France comme un phénomène isolé incompréhensible ? En 39 La Pologne se prend pour une puissance et tout le monde table sur une résistance jusqu'au printemps 40. L'URSS de 41 évite l'effondrement seulement grace à d'immenses réserves, la profondeur de son territoire et son climat. La Grande - Bretagne prend sur terre leçon sur leçon jusqu'en 1942. Présentée autrement, la question est: A posteriori quelle puissance était susceptible de résister militairement à l'élan allemand en 1939 - 41 ? Absolument aucune, comme personne n'a résisté à la "manière" napoléonienne pendant les premières années de l'empire.
3/ La ligne Maginot, qu'on le veuille ou non a joué son rôle tel que le définissait Gamelin dès 1935 en obligeant les Allemands à passer par le Benelux et en dégageant une vrai masse de manoeuvre (mal pensée et mal utilisée il est vrai). Un front ouvert en Lorraine aurait-il été plus efficace ? La France se serait elle dotée en échange de 10000 chars ?
4/ Vous évoquez avec raison la question de la marine et de la double vocation française continent / empire. Or dans les années trente, le soutien anglais est loin d'être acquis (elle négocie même en 36 le tonnage allemad sur le dos de la France) comme sur le plan terrestre la France se retrouve bien seule. La France avait besoin de cette flotte mais aussi d'une armée continentale puissante. Etre partout le plus fort. Facile à dire.
5/ Enfin, on peut aligner (souvent avec raison) des exemples de manquement dans l'armée française, mais on peut en faire autant pour l'armée allemande. Si le couloir des panzer avait été rompu en mai 40, on expliquerai peut-être aujourd'hui avec la même assurance que les PzI et II de la Panzerwaffe étaient inadaptés, Guderian un doux réveur et que le coup de faux des Ardennes était une erreur stratégique de premier ordre. etc...
Des erreurs, des manquements, un manque d'enthousiasme évident (et il y avait de quoi), mais je suis personnellement de plus en plus convaincu que le procès fait à l'armée française de 40 est en grande partie injuste. |