Bonjour,

Dans un rapport d'août 1944, fondé sur l'examen de 45.000 lettres de militaires du front, le censeur écrit :

Le très grand nombre de manifestations de joie pour le salut du Führer, exalté comme un vrai coup de chance du peuple allemand, ne prouve pas seulement le dévouement et la loyauté des soldats envers le Führer mais leur ferme détermination à se battre et à vaincre pour lui, qui est aussi exprimée dans les lettres [...] La trahison de la clique des conspirateurs est unanimement rejetée comme le plus grand crime contre le peuple allemand [...] Les lettres de tous les bons soldats montrent que les devoirs militaires du soldat et son bon comportement aux armées sont indissociablement liés à la fidélité au Führer, donc à un esprit général authentiquement national-socialiste....

Pour évaluer correctement ce rapport, il faut bien sûr tenir compte du contrôle de la censure et de leur effet dissuasif sur les soldats. Ces derniers avaient tout intérêt à s'abstenir de remarques hostiles au régime. Kershaw note toutefois que parmi les lettres conservées, officiers et soldats manifestaient des sentiments totalement loyalistes au führer. Rien n'obligeait les auteurs à le couvrir d'éloges et même à parler de lui et de l'attentat.
Le censeur note toutefois dans son rapport que les commentaires négatifs dans les lettres de soldats avaient augmenté de 20 à 25 % entre juillet et août 1944. Quelques lettres (ou extraits de lettres) ont échappé à la censure. Ainsi, un simple soldat écrivit à sa famille le 4 août :

Tu parles dans ta lettre de l'attentat contre le Führer. Oui, nous l'avons appris, et le jour même. Malheureusement, ces gars-là n'ont pas eu de chance. Sinon il y aurait déjà un cessez-le-feu, et nous serions sauvés de ce chaos.

Une autre lettre n'échappa pas à la censure. Elle porte une annotation pour qu'on y donne suite; la sanction probable était la peine de mort.

La semaine dernière, quand je suis allé à l'église, le prédicateur a remercié Dieu d'avoir, par sa grâce, protégé et sauvé le Führer. Je lui aurais bien enfoncé du foin dans la bouche. Notre peuple ne voit pas qu'il est gouverné par un pouvoir satanique.

Il est difficile de se prononcer sur les sentiments précis des militaires.
- Tout comme pour la population allemande, Hitler conservait un capital de sympathie. Probablement que son assassinat aurait été ressenti comme un soulagement, sa disparation signifiant la fin de la guerre.
- Même s'ils commençaient à douter de Hitler, le complot a été perçu comme un acte de trahison sacrilège contre le chef de l'Etat.

Bien cordialement,
Francis.