Le livre d'Adolf Galland - Jusqu'au bout sur nos Messerschmitt - forum "Livres de guerre"
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Edition du 12 avril 2008 à 13h12

Jusqu'au bout sur nos Messerschmitt / Adolph Galland

En réponse à
-1Général Galland de Antoine Gravignan

Le livre d'Adolf Galland de Grozibou le samedi 12 avril 2008 à 12h54

J'avais espéré qu'un autre martyr se sacrifierait pour donner les explications nécessaires. Comme ce n'est pas le cas, je vais le faire héroïquement :

<< j’avais lu, étant gamin, l’excellent « jusqu’au bout sur nos Messerschmitt » du Général Galland. >>

- Moi aussi : j'avais 13 ans et, naturellement, je n'avais pas compris grand-chose. C'est un livre pour adultes. "Excellent" est ici très sujet à caution (comme presque toujours pour les livres traduits, je vous le signale au passage). En effet, pour que l'éditeur gagne plus d'argent en dépensant moins pour le papier, et pour ne pas trop se fatiguer, le "traducteur" a coupé... environ 60 % du texte. Il en restait donc 40 %. En comparant aux 100 % du texte d'origine, nous voyons que le texte non coupé est 2,5 fois plus long (un journaliste aéronautique connu n'a même pas compris ce calcul, pourtant simple, parlant de "40 % de supplément" au lieu de 150 % pour la traduction non coupée ; voir plus bas). « Jusqu’au bout sur nos Messerschmitt » (abrégé JBM) n'est donc, au mieux, qu'un résumé, mais cela n'est indiqué nulle part. (J'ai encore mon exemplaire.) L'édition de poche "J'ai lu" précise même "Texte intégral" - il y a de quoi mourir de rire. Pire encore, si possible, la "traduction" n'est qu'un infâme ramassis d'erreurs énormes, d'inventions pures et simples et de condensés, plusieurs chapitres étant parfois fusionnés en quelques paragraphes. Il faudrait un gros livre pour énumérer et expliquer toutes les horreurs scandaleuses de ce bousillage, je ne peux donc le faire ici. Si vous vous procurez le livre traduit correctement (voir plus bas), qui est très rigoureux, vous pourrez comparer les deux, ligne par ligne : vous devriez bien vous amuser! Voici seulement quelques exemples, pour vous donner une idée : Galland raconte qu'un haut gradé allemand, le "Jafü" (Directeur de la Chasse) de la région, s'est fait abattre (pendant la "drôle de guerre") par la chasse... allemande, à bord d'un bimoteur de transport léger et de liaison Focke-Wulf 58 "Weihe". Commentaire sardonique de Galland : "On se demande aussi comment un "Jafü" pouvait voler avec un avion pareil!" (avion caractérisé par deux énormes mâts ou contrefiches (souvent appelées "haubans") reliant le dessus des ailes au haut du fuselage!). Version "JBM" (page 59) : "un petit appareil de tourisme". Nous sommes fixés.

Galland a fait un atterrissage de fortune dans la nature : "En rejetant le cockpit..." (JBM, p. 65). Je voudrais vraiment voir ça. En français, le cockpit, c'est le poste de pilotage ou habitacle.

La patrouille d'état-major (de l'escadre) - 4 avions - devient "l'escadrille" d'E-M - 10 à 12 avions.

Il est très énervant que, bien qu'ayant coupé 60 % du texte (presque les deux tiers), le soi-disant "traducteur" se soit permis d'ajouter constamment des passages ou des détails entièrement inventés par lui-même. Par exemple, Galland s'est retrouvé dans le ciel, le 3 juin 1940, près de Paris, en présence d'une quinzaine de chasseurs français. Détail ajouté : "à la sortie d'un gros nuage". Il n'y avait pas de nuage ce jour-là... (JBM p. 70)

Pages 121-122, c'est le bouquet : l'avion d'A. Galland a été gravement endommagé en combat par un "Spitfire" (le 21 juin 1941), et il finit par prendre feu. Galland doit - et veut - sauter en parachute. JBM : "Le siège éjectable, coincé, refuse de fonctionner." Un siège éjectable dans un Me 109 F, en juin 1941! "...je fais enfin gliser le toit". Le siège éjectable est devenu un toit coulissant! Pas de chance : sur tous les Me 109, le toit, ou la verrière de l'habitacle, ne glissait pas, ne coulissait pas (impossible par construction) : il basculait vers la droite, ce qui est très visible sur d'innombrables photos de Me 109 au sol. Il y avait un système de largage d'urgence de la verrière en vol pour permettre l'évacuation du pilote ; des projectiles ennemis pouvaient l'endommager, empêchant ce largage (c'était assez rare, je crois). Mais le "traducteur" continue son conte de fées : "mon deuxième parachute est accroché...". Un pilote de chasse portant DEUX parachutes! Vous imaginez le tableau? Le poste de pilotage du Me 109 était déjà très étroit et très encombré. Emporter un 2e parachute (ce qui n'a jamais existé nulle part chez les aviateurs) aurait empêché le pilote de piloter. Incroyable! Notez bien que, parfois, le parachute ne s'ouvrait pas : un 2e parachute aurait été utile, mais cela ne s'est jamais vu.

Galland mentionne les 299 attaques des navires de guerre allemands basés à Brest par les bombardiers de la RAF. Traduction : 229! (JBM p. 153)

On n'en finirait pas. Finissons-en! Page 270 de JBM, le "Chasseur du peuple" (Volksjäger) He 162 devient une "version réduite du Messerschmitt 262". N'importe quoi! Ces deux avions n'avaient RIEN en commun sauf la propulsion par réaction.

Dans le dernier chapitre (pp.271-272 de JBM), Riem, un quartier de Munich (j'ai passé 8 ans à Munich...), est rebaptisé "Riehm", son nom réel ne plaisant pas au "traducteur". Comme si cela ne suffisait pas, "Riehm" devient "petite localité de la banlieue de Salzbourg, dans un payasage où planait encore le charme délicat de Mozart". Ce passage est entièrement inventé. Salzburg (Autriche) se trouve à environ 140 km de Munich : pas mal pour une banlieue! L'aérodrome de Riem (il a été supprimé vers 1985-90, environ), à l'est du centre de Munich, est à 135 km à vol d'avion de celui de Salzburg. Il est vraiment permis de dire que ce grotesque "traducteur", Max Roth, qui signait ses oeuvres, racontait n'importe quoi. Hélas, il a sévi dans de nombreuses "traductions" de livres de guerre, à l'époque, sans doute pour diffuser le charme délicat de Mozart.

Ne croyez pas que cette traduction soit exceptionnellement mauvaise : la plupart des éditeurs, notamment de romans, et ceux de livres de guerre ou d'aviation, se moquent éperdument de l'exactitude et de la qualité des traductions, qu'ils paient d'ailleurs à des prix de misère, nettement moins qu'ils ne paient leurs femmes de ménage. Quand on publie une traduction, il s'agit presque toujours d'un livre qui a déjà du succès et qu'on est sûr de bien vendre. Qu'importe le contenu : il s'agit de vendre du papier, de faire du chiffre. C'est une escroquerie permanente, éhontée, aux dépens de ceux qui paient leurs livres en croyant acheter une oeuvre, par exemple, de James Joyce, d'Ernest Hemingway, de Günter Grass ou Heinrich Böll. En fait, ils achètent les divagations débiles d'un(e) handicapé(e) mental(e) qui s'en donne à coeur-joie pour écrire n'importe quoi (personne ne contrôle jamais) et le texte est presque toujours coupé car le "traducteur", ou l'éditeur de la traduction, sait mieux que l'auteur ce que ce livre doit contenir.

J'ai un excellent livre sur la Campagne de France de 1940, en allemand (original) et en français. L'auteur, un historien remarquable, est Karl-Heinz Frieser. Dans la "traduction" commise par une personne qui ferait mieux d'éplucher des patates, nous découvrons que les chars sont pourvus d'une tour, que les mitrailleuses tirent des coups de feu, qu'un char minuscule a attaqué tout seul un village occupé par une compagnie de 14 chars allemands qu'il a tous détruits malgré les coups de feu tirés sur lui par des canons antichars, et les 43 000 et quelques véhicules à roues (surtout des camions transportant les munitions, le ravitaillement, le carburtant, etc.) d'un groupement blindé sont des "cycles", et ce à au moins deux reprises, dans des chapitres largement séparés de ce livre. Tout le reste est du même tonneau. Cet excellent ouvrage (en allemand) est utilisé par les historiens français... Les pauvres!

<< Je me posais la question de savoir si en dehors de cette autobiographie, il n’existait pas une bonne et solide biographie qui pourrait nous éclairer autrement ce personnage ? >>

- Il existe déjà une traduction complète, sans aucune coupure et rigoureusement exacte, du livre en question. Même le titre a été respecté : "LES PREMIERS ET LES DERNIERS", par Adolf Galland (Die Ersten und die Letzten). Traduit par Yves Michelet, un traducteur professionnel travaillant surtout pour l'industrie et les brevets en électronique, informatique, radio, etc. Y compris les photos, ce gros livre compte presque 600 pages en tout, de plus grand format que JBM, et c'est un vrai "pavé". On le trouve facilement sur Internet et dans les ventes sur ebay, à des prix allant d'environ 30 à 150 euros, suivant l'état de l'exemplaire offert. Faites une recherche "Google" ou "Yahoo" sur : Les premiers et les derniers (en bloc mais en séparant les mots), vous trouverez tout de suite.

Par ailleurs, d'assez nombreux auteurs ont consacré des livres, en anglais uniquement je crois, soit à Galland, soit aux unités qu'il a commandées au combat, le JG 26 (1949-41) et le JV 44 (en 1945) :

David Baker : Adolf Galland - Authorized biography (je l'ai trouvé très bon)

Donald Caldwell : The JG 26 War Diary, volume one 1939-1942. Galland y tient une très grand place. Nombreuses photos. Récit découpé jour par jour. Très bon, très intéressant.

Donald Caldwell : JG 26 Top Guns of the Luftwaffe. Texte linéaire, préface d'A. Galland. Très intéressant.

D. Caldwell a le défaut de croire que toutes les expressions familières ou argotiques allemandes (très nombreuses) sont propres aux chasseurs de la Luftwaffe. Pas du tout! Il y avait des expressions n'existant que chez eux, mais assez peu. Dans l'ensemble, ses livres sont à recommander.

Robert Forsyth : JV 44

Comme c'est Galland qui a créé et commandé au combat, en 1945 (à Riem...), cette unité légendaire de chasseurs à réaction, il tient évidemment une place de premier plan dans cet ouvrage de grand format, luxueux, très détaillé, plein de photos.

Il y a aussi la biographie "Adolf Galland - General der Jagdflieger" (1992), par Raymond Toliver et Trevor Constable. Ils avaient écrit cette biographie en anglais avant de la soumettre à Galland. Hélas, elle était tellement farcie d'erreurs que Galland a dû tout corriger et réécrire. C'est l'édition allemande qui est devenue l'original et qui fait foi. Il n'est pas exagéré de dire que ce livre est d'A. Galland. Il était alors très âgé et vraiment très malade. J'ai trouvé ce livre moins bon que "Les premiers et les derniers" bien qu'il soit beaucoup plus récent et qu'il contienne de nombreuses révélations nouvelles, notamment sur l'histoire du Me 262, le limogeage de Galland par Göring (paniqué à la fin, jaloux et cherchant un bouc émissaire pour payer à sa place) et les derniers jours de la guerre. J'ignore s'il sera traduit un jour en français. Il existe en anglais.

Ajoutez, EN ALLEMAND, le livre suivant :

Adolf Galland - Ein Fliegerleben in Krieg und Frieden, par Werner Held (1983) (Une vie d'aviateur à la guerre et en temps de paix) - Il est exact que la carrière aéronautique de Galland ne se limite nullement à la guerre puisqu'elle a commencé en 1929, 3 ans avant la prise du pouvoir par Hitler et que Galland est très vite devenu un célèbre champion de vol à voile, puis pilote de ligne, indépendamment du nazisme. Après la guerre, il a continué à être très actif dans l'aviation, de toutes les façons possibles.

C'est surtout un recueil de nombreuses photos commentées, de l'enfance de Galland à 1983 (il avait alors 72 ans). Galland est décédé en février 1996.

Bien entendu, d'innombrables articles de revues et chapitres d'autres livres ont été consacrés à Adolf Galland, peut-être assez peu en français. Les Français sachant vraiment l'allemand sont très rares, les bons traducteurs (ceux qui ne falsifient pas le texte) presque introuvables... La plupart des livres, etc., consacrés à Galland lui sont favorables, voire très favorables (hagiographiques). D'aucuns souhaitent voir une étude, ou une biographie, beaucoup plus critique : jusqu'à quel point était-il engagé dans le nazisme, ou son prisonnier? Etait-il complice, en fin de compte, de la politique nazie? Il a été l'un des principaux chefs de la Chasse allemande pendant les 3 années décisives de la guerre aérienne : fin 1941-fin 44. J'ai entendu dire que, après les bombardements alliés de sa base de Riem en 1944, "des milliers" de prisonniers du camp de concentration de Dachau, tout proche (il était au nord de Munich, Riem à l'est), étaient contraints par les SS de réparer la ou les pistes, etc., évidemment à n'importe quel prix : en avril-mai 1945, ces vies comptaient pour rien aux yeux des SS. Galland ne pouvait pas ignorer cela mais que pouvait-il faire? (S'opposer aux SS à cette époque pouvait se terminer très vite par votre exécution, et ils ne respectaient plus personne, même pas un Galland, si nécessaire). D'un autre côté, Galland a-t-il exigé la remise en état immédiate de son aérodrome, quel qu'en fût le prix et par n'importe quelle méthode? Je l'ignore. C'était un homme bon, catholique, qui n'aimait pas la brutalité, mais, en avril 45, allez savoir ce qui s'est passé... Par exemple, il savait que desmillions de soldats allemands (5 millions) avaient perdu la vie en 6 ans de guerre, y compris des dizaines de milliers d'aviateurs : la vie de quelques centaines ou quelques milliers de "prisonniers" (déportés, dont de nombreux Français)), présentés comme des ennemis de l'Allemagne, pouvait-elle compter à ses yeux, même si les avions alliés attaquaient pendant qu'ils travaillaient?

Une recherche "Google" ou "Yahoo" sur Adolf Galland vous permettra p-ê de découvrir de nouveaux documents (il y a souvent de grosses bêtises sur les forums de discussion) mais il faudra éliminer les nombreux autres Galland (c'est un nom assez répandu, surtout en France) de votre recherche. Il est possible que l'histoire du camp de concentration de Dachau, tout proche de Munich, donc, fournisse quelques éléments.

D'après moi, Galland n'était en aucun cas un nazi (il était beaucoup trop intelligent, sensible, élégant et raffiné face à ces brutes stupides et non dégrossies) ni une brute. C'était un aviateur, "rien qu'un aviateur", et un grand! Reste à savoir ce que les circonstances et la guerre l'ont amené à faire ou forcé à accepter. S'il s'était fait assassiner par les SS (qui commandaient tout en Allemagne à la fin de la guerre) pour s'être opposé à eux, cela n'aurait rendu service à aucun déporté, au contraire.

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