Si je balaye tes textes d'un revers, que dire de ton traitement de mes arguments !
Ce que je combats en l'occurrence, outre l'idée d'un Vichy qui résisterait méritoirement à des demandes d'aryanisation en zone sud, c'est l'amalgame, fait à l'origine par Baudouin dans la page de son journal prétendument écrite le 10 septembre, entre
-des mesures antisémites des Allemands dans leur zone, explicables et justifiables d'après leur philosophie par des soucis de sécurité militaire (les Juifs étant par eux-mêmes un danger pour leur armée),
-et le statut des Juifs, censé prévenir une application des lois de Nuremberg en France occupée et préserver une continuité administrative entre les deux zones.
Joly et Bruttmann font (tout comme Klarsfeld) bien trop confiance au journal de Baudouin (lors même que Joly constate au moins une falsification : le regroupement en date du 30 septembre de toutes les discussions ministérielles de septembre sur le statut).
Et à toi, au fait, Francis, sa pneumonie d'octobre, handicapante uniquement pour la politique intérieure, te paraît-elle crédible, ou me donneras-tu tout de même un peu raison de m'en esclaffer ?
Ces deux jeunes historiens ont un mérite : tenter d'expliquer ce que j'ai fait observer l'un des premiers, à savoir le retard de la publication (et accessoirement la grande invraisemblance d'une adoption en conseil des ministres le 3, comme il est affirmé par le JO du 18 et aucune autre source à ce jour).
Leur raisonnement te "semble" convaincant, eh bien pas à moi ! Car il repose précisément sur l'amalgame baudouinesque de 1948 entre statut, d'origine vichyste (mais peut-être de subtile inspiration allemande) et aryanisation (en zone nord et à l'initiative entière des Allemands).
Je cite Bruttmann (p. 41, dans son récit de la réunion franco-allemande du 9 octobre) :
Cependant, les représentants français laissent entendre que le projet n'est pas définitif et que "le gouvernement veut examiner de nouveau son projet de loi."
pour quelle raison ? Aucune explication n'est fournie, mais on peut en trouver les causes dans l'autre point de l'ordre du jour : les mesures d'aryanisation, annoncées par les Allemands dès le 7 septembre mais absentes de l'ordonnance du 27, sont présentées aux Français (...). "L'Autorité militaire allemande demande si le Gouvernement Français ne verrait pas d'avantages à en prendre lui-même l'initiative et à étendre l'application à toute la France (zone occupée et non occupée)"
Donc c'est Bruttmann tout seul qui fait cette liaison des deux questions, sans que les documents la suggèrent d'aucune manière, sinon par la proximité de deux points d'ordre du jour, ce qui est bien peu.
Il me semble d'autre part que cette demande d'aryanisation en zone sud est faite pour être refusée, et pour que Vichy se trouve héroïque et patriote en le faisant. Je ferai le rapprochement avec cette tarte à la crème pétainiste (Michel Boisbouvier l'a servie ici plusieurs fois) de la demande de bases en Afrique du Nord présentée par le Reich en tout et pour tout une fois, le 15 juillet 1940.
Hitler joue au chat et à la souris : cette clé me paraît de plus en plus opératoire, au fur et à mesure que surgissent les documents sur cette époque.
PS.- et le télégramme Abetz du 8 octobre, indiquant que Peyrouton lui a fait confidence d'un statut portant uniquement sur des emplois privés, ta main balayeuse en fait quoi ? |