Passons au dessert : l'aryanisation - Vichy dans la "Solution finale" - forum "Livres de guerre"
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Vichy dans la "Solution finale" / Laurent Joly

En réponse à -15 -14 -13 -12 -11 -10 -9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2
-1salade de françois delpla

Passons au dessert : l'aryanisation de Francis Deleu le vendredi 15 octobre 2010 à 15h15

Bonjour,

@ François :
Il est décidemment difficile d'avancer lorsque tu balaies d'un revers de la main tous les documents que je m'efforce de porter à la connaissance de chacun afin qu'ils puissent juger d'eux-mêmes. Notons que tous les documents que j'ai reproduit sont cotés ou, mieux encore, disponibles en fac-similé (numérisés) sur Gallica.

François écrit :
Joly, disais-je, et confirmé-je, ne donne pas de cote. Bruttmann donne AJ40 548, ce qui est une cote française. Il semble avoir vu les choses de plus près. "Forme définitive", écrit Bruttmann sans offrir malheureusement la moindre ligne permettant une comparaison.
Joly ne donne pas de cote. Par contre, Bruttmann la donne. Le problème de la source est dès lors résolu. Foin donc de salade.

La "forme définitive" est par définition "définitive" et la comparaison n'est possible qu'avec les brouillons dont il m'étonnerait qu'ils soient confiés aux Archives.

François :
La note d'accompagnement, du 3 octobre 40, permet-elle d'en avoir une idée ? Eh bien oui, mais pas dans le sens que tu dis !

Je relève tout d'abord que cette date du 3 octobre milite fortement contre l'idée que le statut serait adopté à Vichy le même jour : il faut un minimum de délais de transmission. D'autre part, il semble qu'il s'agisse d'une réaction interne aux services allemands, puisque l'approbation du statut n'est signifiée à une délégation parisienne de Vichy, après examen par différents services, que le 8 (Bruttmann p. 40) tout en demandant "une réunion pour le lendemain".

Ensuite, un PV de cette réunion du 9, adressé à Vichy le 16, dit que la partie française a fait part du souhait de son gouvernement de retravailler le texte. Là-dessus, Bruttmann, suivi par Joly, greffe une hypothèse (sans autre biscuit) : ce serait le projet d'une ordonnance allemande sur les entreprises juives qui aurait motivé ce retard, suivi d'une publication sans changement car Vichy aurait finalement renoncé à légiférer lui-même sur les entreprises.
Pour que chacun s'y retrouve, le plus simple serait de reproduire les extraits significatifs du livre de Bruttmann. Ce dernier relève tout d'abord la coïncidence chronologique entre l'élaboration du statut par Vichy et l'obligation de soumettre aux Allemands les textes qui concernent la zone occupée :
Dernière étape avant la publication du statut, le nécessaire accord allemand. Depuis le début du mois d'août, un bras de fer au sujet de la publication au Journal officiel oppose Vichy à l'occupant, qui exige que tout texte destiné à être applicable en zone occupée lui soit transmis avant publication. Après plusieurs tentatives cherchant à affirmer son indépendance, le gouvernement français finit par accepter le 21 septembre que :
"tous les textes applicables en zone occupée [soient] remis par les représentants des différents ministères à Paris à la Délégation générale et transmis, par celle-ci, aux services de l'hôtel Majestic. Si l'autorité allemande n'a pas formulé d'objection au bout d'un délai de six jours pleins, les textes communiqués seront considérés comme approuvés" [AN, F60 530, secrétariat général de la présidence du Conseil, 21 septembre 1940 (souligné dans le texte)]
Ce n'est finalement que le 1er octobre, par l'intermédiaire du général de La Laurencie, que les Allemand font connaître leur position finale :
"Doivent donc être communiqués aux Autorités allemandes, tous les projets de lois, décrets, arrêtés, circulaires et décisions individuelles applicables soit dans l'ensemble du territoire français, soit dans la zone occupée. Sont seulement exclus de la communication les textes et décisions dont l'application est limitée à la zone libre, aux colonies, aux protectorats et territoires sous mandat" [AN, F60 530, le délégué général du gouvernement français en Territoire occupé au maréchal de France, président du Conseil (secrétariat général de la présidence du Conseil/Fernet), 1er octobre 1940.]
Bruttmann indique que "cette coïncidence chronologique fait que cet arrangement est entériné à l'occasion du Conseil des ministres du 1er octobre, dont il constitue le premier point à l'ordre du jour. En vertu de quoi, le texte du statut, dans sa version définitive, est transmis le 2 octobre aux occupants". [AN, AJ40 548].
Bruttmann note encore que seul le statut est transmis; les autres textes constituant le bloc de lois antisémites ne le sont pas. Si ceci s'explique aisément au sujet des Juifs d'Algérie, l'accord allemand étant inutile, cela éclaire en revanche la pensée du gouvernement au sujet de la loi sur l'internement des Juifs étrangers : sa non-transmission à l''occupant empêche son application dans l'ensemble du pays. Elle est donc prioritairement destinée à être appliquée en zone libre de la propre volonté du gouvernement français.

Nous l'avons déjà indiqué : les Allemands réservent immédiatement un bon accueil au statut qui leur est soumis:
"La loi diffère dans les détails de l'ordonnance allemande, mais elle suit essentiellement la même tendance et est donc la bienvenue. Il n'y a pas d'objection à soulever contre l'application de la loi en zone occupée". [AJ40 548, Chef du personnel administratif, 3 octobre 1940.]
François réplique :
J'ai les plus grands doutes à cet égard, voyant mal ce que le statut des personnes a à voir avec celui des entreprises et la logique de cette idée de tout fondre en un texte alors qu'on pouvait en faire autant que de besoin.

D'autre part, la mention allemande du 3 octobre que tu cites,
"La loi diffère dans les détails de l'ordonnance allemande, mais elle suit essentiellement la même tendance et est donc la bienvenue. Il n'y a pas d'objection à soulever contre l'application de la loi en zone occupée",
ne colle guère avec un texte analogue au statut des Juifs publié le 18, puisqu'il n'y aurait pas alors des différences de détails, mais de conception, entre ce statut et une ordonnance allemande du 27 septembre qui n'a précisément pas le caractère d'un statut des personnes, mais bien d'une série de mesures de sécurité envers une population présumée hostile : interdiction de venir en zone nord, recensement... Il n'y a vraiment RIEN de commun et la mention de différences de détail est très étrange.
Le projet d'ordonnance allemande du 27 septembre, soumis à Vichy, fut à l'ordre du jour de la plupart des Conseils du mois de septembre. Cette ordonnance ne concerne que les mesures contre les Juifs en zone occupée et - de quoi inquiéter Vichy - annonçait les mesures d'aryanisation. Ce sont évidemment deux textes différents. Le statut s'applique aux deux zones et reçoit aussitôt l'approbation des Allemands qui n'ont aucune raison de publier un statut spécifique.
La "différence de détail" en gras :
Article 1 de l'ordonnance allemande :
Sont reconnus comme juifs ceux qui appartiennent ou appartenaient à la religion juive, ou qui ont plus de deux grands-parents (grands-pères et grand'mères) juifs. Sont considérés comme juifs les grands-parents qui appartiennent ou appartenaient à la religion juive.
Article 1 du statut vichyste :
Est regardé comme juif, pour l'application de la présente loi, toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif.
Ce que François ne précise pas : en date du 16 octobre, les Allemands réitère leur accord :
"certaines divergences entre les définitions du "juif" d'après la loi allemande et d'après le projet de loi français […] elle ne voit pas de difficultés sérieuses à la coexistence des deux textes. [AN, F60 490, le délégué général du gouvernement français pour les Territoires occupés au chef de l'Etat, secrétariat général de la présidence, 16 octobre 1940]
Tout semble indiquer que pendant la première quinzaine d'octobre, les Allemands tentent de convaincre Vichy de se lancer dans l'aryanisation des biens juifs. Sous la même cote du 16 octobre :
L'Autorité militaire allemande demande si le Gouvernement Français ne verrait pas d'avantages à en prendre lui-même l'initiative et à étendre l'application à toute la France (zone occupée et non occupée)
Notons encore que le 16 octobre, le général de La Laurencie prévient Vichy que :
Sauf instructions de (Vichy), ses services laisseront entendre que le Gouvernement n'est pas disposé à étendre, pour le moment, ç la zone libre, les dispositions qui pourront être édictées dans la zone occupée [CDJC, CCXLVI-19, le délégué général du gouvernement français pour les Territoires occupés à la direction des services de l'Armistice, 16 octobre 1940]
Bref, les conclusions de Bruttmann et Joly me semblent pertinentes. Les Allemands ont retardé la publication du statut en essayant de convaincre Vichy d'y inclure des mesures d'aryanisation. Vichy s'est tâté, s'est dit prêt "à examiner de nouveau son projet de loi" [AN, F60 490, le délégué général du gouvernement français pour les Territoires occupés au chef de l'Etat, secrétariat général de la présidence, 16 octobre 1940] pour finalement renoncer à se soumettre aux souhaits des Allemands.

Laissons les conclusions finales à Bruttmann :
L'autorisation de publication du statut, obtenue dès le 8 octobre, s'est trouvée retardée pour cette raison. Le texte ayant été transmis aux Allemands au moment où ceux-ci travaillent à la préparation des mesures d'aryanisation, ils voient dans ce projet de loi une opportunité pour tenter de les faire réaliser par les Français. Mais, après une semaine, Vichy préfère finalement décliner la proposition allemande. Le gouvernement français n'en a pas moins cherché à contrer ce qui lui apparaît comme une tentative visant à "séquestrer une part importante des actifs français et d'en transférer ensuite la direction à des ressortissants allemands" [1], en promulguant la loi "prévoyant nomination d'administrateurs provisoires des entreprises privées de leurs dirigeants" [2], certes datée du 10 septembre, mais qui n'est publiée au Journal Officiel que le 26 octobre 1940, soit quelques jours à peine après la publication, de la deuxième ordonnance [3]. Cette loi - dont on ne trouve pas de trace en septembre - apparaît fort ) propos à l'occasion d'une ultime réunion, le 17 octobre, précédant à la fois le publication du statut français et l'achèvement de la deuxième ordonnance allemande. Elle est soumise à cette occasion à l'occupant, lequel répond que
la loi française sur les Administrateurs provisoires ne suffisait pas à nommer des administrateurs pour remplacer des administrateurs juifs que l'autorité allemande exigerait d'évincer, sous menace de séquestre"
Et de proposer que
"cette loi soit étendue et que le Gouvernement Français prenne les dispositions utiles pour pourvoir, en toutes circonstances, aux vacances d'administrateurs." [4]
Soit une ultime tentative de faire prendre en charge l'aryanisation par le gouvernement français. Mais cette proposition constitue probablement un pas que Vichy n'ose pas encore franchir, le gouvernement se montrant inquiet de la réaction de l'opinion face à la promulgation du statut, qui constitue déjà en soi un acte d'une portée considérable : pour la première fois une loi raciale voit le jour en France.


Bien cordialement,
Francis.


[1] CDJC, CCXLVI-19, le délégué général du gouvernement français pour les Territoires occupés à la direction des services de l'Armistice, 19 octobre 1940
[2] ibid.
[3] Vichy est coutumier du fait : durent la guerre, de nombreux textes législatifs ont été antidatés. Le texte de cette loi du 10 septembre est des plus brefs, au contraire de son décret d'application, publié le 17 janvier 1941. Ce qui renforce le sentiment d'avoir affaire à une loi écrite dans l'urgence, parant au plus pressé, et répondant non pas à l'ordonnance du 20 mai 1940 "concernant la gestion réglée des affaires et de l'administration d'entreprises de toutes sortes" mais à l'annonce de la deuxième ordonnance sur les Juifs.
[4] ibid.

*** / ***

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