Bonjour,
Pour y voir plus clair, poursuivons l'inventaire des textes (inventés ou non) qui ont précédé la promulgation du statut.
Vichy ayant été informé du projet allemand d'une ordonnance relative aux mesures contre les Juifs, Baudouin note dans son journal [1] en date du 10 septembre :
Au Conseil des ministres, le problème juif est examiné pour la première fois. Les Allemands le soulèvent en territoire occupé. Une lettre du général de la Laurencie nous indique les mesures qu'ils viennent de prendre. En particulier, ils interdisent tout retour des Juifs dans la France occupée. Des décisions beaucoup plus graves sont à craindre à bref délai. Il devient de plus en plus évident que, malgré la répugnance de la presque unanimité du Conseil - et Laval est un des plus opposés à des mesures antijuives - si nous continuons à nous abstenir de toute intervention dans cette questions, les Allemands vont prendre en zone occupée des décisions brutales, peut-être même étendre purement et simplement à la France occupée l'application de leurs lois raciales.
Ce compte-rendu de Baudouin est corroboré par Marcel Peyrouton (ministre de l'Intérieur). Mais, comme le note Laurent Joly, les souvenirs de Peyrouton sont peu fiables "
apprêtés et de mauvaise foi" [2]
Quoiqu'il en soit, au sortir du Conseil des ministres du 10 septembre, un communiqué est publié dans la presse du 12 septembre :
La présence sur le territoire de très nombreuses personnes émigrées ou expulsées de leurs pays, étrangères ou apatrides, israélites ou non israélites, constituent un danger certain pour la tranquillité et l'ordre public, le Conseil des ministres a décidé de leur appliquer certaines mesures précises de sauvegarde nationale.
Enfin, dans le même sens, le Conseil a examiné et arrêté le principe des dispositions que devront prendre les administrations et les divers ordres professionnels pour éliminer de leur sein les éléments, même français, quelle que soit leur ancienneté dans la nationalité française qui, par leurs actes ou leur attitude, ont montré qu'ils n'étaient pas dignes d'exercer leur profession, dans le sens qu'exige la situation actuelle.
Ce communiqué fut publié dans "
L'Action Française" du 12 septembre 1940. Tout porte à croire qu'il fut bien question, lors du Conseil de ministres du 10 septembre, de nouvelles mesures à prendre contre les Juifs. Nouvelles mesures car rappelons que la loi du 17 juillet (JO du 18 juillet) limitant l'accès aux emplois dans les administrations publiques aux citoyens nés de père français, la loi 17 juillet (JO du 18 juillet) concernant les magistrats et les fonctionnaires et agents civils ou militaires de l'Etat relevés de leurs fonctions, la loi du 22 juillet (JO du 23 juillet) instituant une commission chargée de réviser toutes les naturalisations accordées depuis 1927 et retirant la nationalité française à tous les naturalisés jugés indésirables, la loi du 16 août (JO du 19 août) instituant un Ordre national des médecins et limitant l'accès aux professions médicales aux citoyens nés de père français,... ont déjà été promulguées.
La loi instituant un Ordre national des avocats et limitant l'accès au barreau aux citoyens nés de père français sera adoptée le 10 septembre (JO du 11 septembre).
Bien cordialement,
Francis.
[1]Paul Baudouin,
Neuf mois au gouvernement, avril-décembre 1940, cité par Laurent Joly.
[2] Laurent Joly,
Vichy dans la Solution finale.