"J'ai été dans les premiers à essayer d'en faire bouger quelques uns, et notamment celui de la déchéance intellectuelle (1) de Hitler depuis... voyons cette fois à quand la faites-vous remonter (au fait vous oubliez ma question sur le mois de 1942 auquel remonterait la sécession de Himmler, pour confirmer qu'elle est bien le fruit de Stalingrad) ?"
Je n'ai pas parlé de sa "déchéance intellectuelle" mais de sa "déchéance physique". Un de ces "lieux communs surgis dans la confusion de l'après-guerre et des débuts de la guerre froide" ? Il me semble que le fait que Hitler était physiquement malade est établi. Tous les témoins qui l'ont approché durant les dernières années de la guerre se livrent aux mêmes descriptions d'un vieillard voûté dont la main est secouée de tremblements (Hitler n'a que 56 ans en 1945) mais précisent que ses facultés intellectuelles étaient visiblement intactes ou tout au moins en partie préservées (notamment sa prodigieuse mémoire). Sur l'intellect non pas de Hitler mais des chefs nazis, il me semble que ces derniers ont été soumis à des tests de QI lors de leur captivité à Nuremberg et qu'il est apparu qu'ils présentaient des aptitudes nettement au dessus de la moyenne. Il n'en reste pas moins que Hitler était un homme diminué (et cet état de fait n'est sans doute pas étranger à l'évolution de Himmler) soumis à un traitement médicamenteux au sujet duquel vous pourrez sans doute nous apporter d'utiles précisions. Sur son isolement et le fait qu'il était largement coupé des réalités, je persiste.
Sur la "sécession de Himmler", il est bien évidemment impossible de dater avec exactitude quand le Reichsführer se met à envisager la possibilité d'une Allemagne sans Hitler. Vous le savez bien et je vous soupçonne, sur ce point, de faire preuve d'un peu de mauvaise foi. Je ne vous en tiens pas rigueur. Par contre, nous pouvons tenter de déterminer à quelle date ou à quelle période les premiers contacts (sans être sûrs qu'il s'agissent des premiers contacts) avec des représentants des puissances occidentales ont été pris.
Hoffmann parle de 1942 mais ne s'attarde pas sur cette question qui n'est pas l'objet de son livre. De même est-il assez bref sur les connections entre Himmler et les opposants au régime (quelques pages sur les 800 de son livre). La sympathie affichée de l'auteur pour les conjurés n'est peut-être pas étrangère à ce choix, les liens entre le chef des SS et les amis de Stauffenberg collant mal avec le portrait un peu trop complaisant que Hoffmann dresse des conjurés. Ce travers est d'ailleurs communs à tous les ouvrages consacrés à la question et ne remet pas en cause la valeur du livre en question qui se fonde sur un très long travail et des sources aussi nombreuses que solides.
"Eh bien non. Tout reste maîtrisé jusqu'au bout. Il n'y a qu'à voir les deux testaments de l'avant-dernière nuit, il y est tout entier. Il n'y a qu'une conclusion à en tirer : les "trahisons" même de Himmler et de Göring, dénoncées dans le testament politique, sont des calculs de quelqu'un qui espère que son suicide dégagera la voie de Göring (...)"
Hitler souhaitant favoriser Göring, voilà qui me semble pour le moins audacieux, surtout lorsqu'on sait le peu d'estime dont il témoignait pour le chef de la Luftwaffe. Mais peu importe, ce n'est pas le débat et nous nous éloignons de la question qui nous occupe, à savoir l'attitude de Himmler. Sur ce point, vous persistez à ne pas vouloir prendre en considération les faits qui contredisent vos thèses et notamment la connaissance, à mon avis évidente, qu'avait Himmler des projets des conjurés du 20 juillet. N'est-il pas temps, pour vous, d'envisager une remise en cause ? Je dis bien d'envisager. Je vous en crois capable.
"Pardon si je vous secoue un peu mais de votre côté vous ne me ménagez guère !"
Certes mais je crois que vous avez le cuir suffisamment épais.
P.S. : Peut-être devriez-vous vous demander comment Canaris a pu rester en fonction aussi longtemps et pourquoi les principaux responsables du RSHA étaient des traîtres avérés ou probables (Nebe, Müller, Schellenberg). Le "fidèle Heinrich" était décidément bien mal entouré... |