Il ne s'agit pas de dire que Laval = Barthou, mais de faire une mini-révolution copernicienne, remettant l'histoire dans son sens chronologique, négligé par tout ce que j'ai lu antérieurement à 1993, que les auteurs prétendent ou non oublier le Laval des années 40 pour se concentrer sur celui des années 30 : les bonnes résolutions ne suffisent pas, quand il y a une telle pente à remonter.
Cela prend d'ailleurs place dans une problématique plus vaste, celle de Hitler à la manoeuvre ou non, et de l'histoire ennemie de la morale. Le nazisme est-il un bloc de maléfices face auquel il faut prendre des attitudes relevant de la morale, ou une entreprise omniprésente de manipulation et de division tous azimuts, à traiter en conséquence, politiquement à l'époque et historiquement aujourd'hui ?
Tu dis toi-même que Barthou n'est pas "le champion tout catégorie de la résistance à Hitler", à la bonne heure ! Mais alors, pourquoi faire grief à Laval de vouloir, sous certaines conditions, causer avec les Allemands ? C'est bien le but de tout le monde, y compris Churchill et de Gaulle, ce n'est pas là-dessus que se fait le partage entre les dupes plus ou moins complaisantes et ceux qui indiquent une voie de résistance digne de ce nom.
A l'époque, elle passe par la SDN, et cela ne fait de doute ni pour Churchill, ni pour Barthou ni pour Laval. L'Allemagne a transgressé le traité de Versailles et menacé la paix de façon bien aussi grave en la quittant qu'avec son réarmement clandestin puis assumé. Et il s'agit de l'y faire revenir, de même que d'y intégrer l'URSS (chose faite par Barthou) à défaut des Etats-Unis.
Une SDN discréditée à l'époque essentiellement par son impuissance en Mandchourie, autant dire sur Mars : pas encore très sérieux. C'est sur l'Allemagne qu'on l'attend et elle fait le nécessaire en condamnant avec sévérité l'Allemagne, au lendemain de la réunion de Stresa.
C'est dans cet élan très prometteur, et très inquiétant pour Hitler, qu'il faut replacer, et le pacte franco-soviétique du 2 mai, catastrophique pour l'agressivité allemande, et l'accord naval du 18 juin, providentiel pour remettre celle-ci en selle. |