"Ensuite, je considère, et vous ne m'aidez pas à changer de point de vue, que nous faisons là, tous tant que nous sommes et quelles que soient nos thèses, une histoire sans archives ou presque. Celle des complots et des menées secrètes a un besoin vital d'archives policières, or elles sont inexistantes ou presque."

Rien de plus faux ! Au contraire, les complots de l'opposition allemande ont cette caractéristique que leurs instigateurs, au mépris de la plus élémentaire prudence, écrivaient beaucoup. Après le 20 juillet, les services de sécurité ont retrouvé de très nombreux documents, notamment des plans de coup d'Etat et autres pièces accablantes rédigées par les principaux opposants. A la fin du livre de Hoffmann, 18 pages de références des archives utilisées pour son livre.

Ne nous faites pas le coup qui consiste à dire qu'il n'y a pas d'archives ou à discréditer les archives existantes pour pouvoir ensuite affirmer n'importe quoi en soutenant qu'après tout c'est possible puisqu'il n'y a pas d'archives, simplement des témoignages sujets à caution.

"Restent les confidences des conjurés, dans de rares journaux ou des lettres plus ou moins codées, ou lors d'interrogatoires, avec les inconvénients bien connus, et de l'après coup, et du souci de dissimuler ce que l'interrogateur ne sait pas déjà."

Sauf qu'une grande partie des conjurés se mettent à table et déballent tout. On dit que ce n'était pas rare dans les caves du 8 Prinz Albrecht Strasse. Quant aux confidences et aux écrits des conjurés (antérieurs et postérieurs au 20 juillet), ils furent plus qu'abondants.

"Les choses sérieuses (la préparation conjointe d'un tyrannicide et d'un gouvernement de rechange) commencent en 1944 : très tard !"

Mais non, le premier projet sérieux date de 1938. Il est même, à bien des égards, plus solide que le plan de 1944. Avec Beck, ex-chef d'EM de la Heer, Halder, son remplaçant, Oster/Canaris (Abwehr), Witzleben, cdt de la région militaire de Berlin, et Hoepner et ses blindés dans les rôles principaux. L'élimination de Hitler est sérieusement envisagée même s'il n'y a pas unanimité des conjurés sur ce point, certains proposant de le juger ou de le faire interner. Quoi qu'il en soit, l'affaire est tout à fait sérieuse.

"Et Himmler joue déjà depuis un certain temps son jeu consistant à dire qu'il prend ses distances avec Hitler. Une façon, pour ce dernier, d'aller à la pêche aux nouvelles. Il l'a toujours fait, de prendre le pouls de l'adversaire au moyen de traîtres ou de dissidents en puissance, ce n'est pas le moment (disons après Stalingrad) de ne plus le faire."

Voilà qui, encore une fois, contredit tout ce que l'on sait sur le sujet et ne repose sur rien.

"D'ailleurs, juste après le désastre de la Volga, à la mi-février 43, l'affaire de la Rose blanche est un sacré coup de semonce, incitant à la vigilance. Mais il ne s'agit encore que de tracts et non d'attentat ni de coup d'Etat."

Vous plaisantez, l' "affaire de la Rose blanche", c'est rien, nada. Quelques étudiants qui distribuent des tracts ! Il y a en Allemagne des milliers de gens qui font de même. C'est dérisoire. Rien à voir l'Orchestre rouge ou le réseau de Canaris.

"Le régime doit faire très attention (...) Quel meilleur instrument de contrôle, justement, qu'une conspiration sous contrôle ? Savoir qui pense quoi, qui voit qui..."

Et donc, on laisse les conspirateurs agir, noyauter l'armée de l'Intérieur, prendre le contrôle de postes clés qui leur permettent non seulement de comploter mais également de recueillir des secrets militaires qu'on les laisse transmettre à l'ennemi et de saboter l'effort de guerre. Et, ruse suprême, on les laisse même poser leur bombe à la Wolfschanze (en sachant qu'ils sont tellement nuls qu'ils ne réussiront pas tuer le Führer mais uniquement à la blesser très légèrement !). Grotesque.

"Coffrer un conspirateur de temps en temps fait partie du jeu, les coffrer tous brusquement, sans un passage à l'acte qui permette de les dénoncer comme traîtres à la nation en guerre, de façon convaincante (ici le régime paye ses propres habitudes de tromperie des foules, la défaite faisant ressortir les mensonges antérieurs) ne pourrait que radicaliser le conflit."

Mais des passages à l'acte, il y en a déjà eu ! De nombreux attentats contre Hitler ont déjà été tentés. Par ailleurs, les preuves qui permettraient de dénoncer les comploteurs comme des traîtres existent et les services de sécurité en ont de nombreuses en leur possession. Là encore, ce que vous soutenez n'a aucun sens.

"Si nous faisons un instant abstraction du fait que le chef a failli mourir..."

Ben tiens, faisons abstraction que Hitler a failli mourir ! C'est si peu important ! Et quoi d'autre ?

"...cette répression ciblée, bien acceptée par une nation convaincue qu'on l'a trahie alors qu'on agissait pour en sauver ce qui pouvait l'être, est une aubaine, et un sommet de la mise en scène nazie."

Mais les nazis n'ont pas besoin de cela pour réprimer les opposants qui, pour la plupart, sont déjà dans des camps et depuis bien longtemps ! Quand bien même, ils pouvaient parfaitement monter un projet d'attentat bidon.

"...Lui-même (Stauffenberg) a eu toutes les peines du monde à armer sa première bombe et a dû renoncer à la deuxième, qui aurait été décisive, à cause de son invalidité manuelle."

La seconde même non-armée et simplement placée avec la première aurait produit une explosion telle que personne n'aurait survécu dans le baraquement où se trouvait Hitler et ses généraux.

"Tout cela était bien "limite" mais, pour prolonger un régime si bien parti qui était en train de si mal arriver, ne pouvait que l'être."

C'est tout simplement ridicule et, surtout, purement gratuit car ne se fondant sur rien. C'est en contradiction avec toutes les conclusions d'historiens sérieux ayant passé des années de leur vie à travailler sur le sujet, à dépouiller des cartons d'archives, à interroger des dizaines de témoins. Par quelqu'un qui du sujet ne sait rien si ce n'est ce qu'il en a lu dans le très mauvais livre de Thiériot !

J'ai pensé un moment que, face à un certains nombre d'évidences, vous seriez capable de vous remettre en cause. Ce n'est manifestement pas le cas.

Mais puisque vos théories du complot font, semble-t-il, se pâmer vos admirateurs pourquoi se priver ?