Ulrich von Hassell, diplomate, conspirateur antinazi, future victime de la répression post-20 Juillet, note dans son journal le 10 août 1940, alors que Hitler vient de dire à ses généraux (le 31 juillet) de préparer une attaque contre la Russie, une conversation qu'il vient d'avoir avec Hans Oster :
Sur nos conditions de paix, voilà ce qu'il sait : Conditions allemandes pour le moment : Alsace-Lorraine, Briey, Malmédy etc., des ports norvégiens sur l'Atlantique, nos colonies, le Congo belge, des ports atlantiques marocains (et le reste du Maroc à l'Espagne). Conditions italiennes : Nice, Corse, Tunis, Alger, Djibouti, Somalie britannique, pont routier Abyssinie-Libye; neutralisation du détroit de Gibraltar; alliance avec l'Egypte. Un mixte de mesure et de démesure.
Plusieurs remarques :
-Oster est sûr de son fait, sans doute se croit-il un excellent espion;
-il est intoxiqué, sa liste ne correspond à rien qui ressorte aujourd'hui des épaisses archives conservées de la Wilhelmstrasse;
-il est intoxiquant : tout se passe comme si on l'utilisait pour faire croire que l'Allemagne a choisi définitivement une expansion vers le sud et l'ouest, et un affrontement brutal avec l'Angleterre; les bruits qu'il colporte sont particulièrement de nature à affoler Vichy et à le rendre plus docile encore, pour montrer à Hitler qu'un "tiens" français vaut mieux que deux "tu l'auras" mussoliniens ou franquistes (en revanche, le territoire français métropolitain serait peu entamé : carotte et bâton !);
-il est indulgent : il trouve dans ce paquet de la "mesure" même s'il y a tout de même de l'irréalisme!
Oster a des contacts occidentaux et on peut penser qu'il ne leur cache rien de ces "révélations" : si c'est le cas, on voit que sa "trahison" est, au moins dans ce cas, un parfait auxiliaire des menées hitlériennes. |