Le crédit au Bureau Ha de 150'000 francs suisses environ est confirmé pour les années 1942, 1943 et 1944 (AF E5795/327). Cependant, en considérant l’évolution des crédits du SR et de leur répartition, ainsi que ce qui suit, il y a fort à parier qu’il existe depuis 1940. Je ne suis par ailleurs pas en mesure actuellement, avec les éléments en ma possession à mon domicile, de donner une date précise de l’entrée du Bureau Ha dans le SR. Toutefois, il est mentionné au plus tard comme poste extérieur dans le schéma d’organisation daté du 25 janvier 1940 (AF E27/9475 Bd.2). Un projet de statut pour le « Service Renseignements Secret (SRS) », premier nom du Bureau Ha au SR, daté du 16 février 1940 (AF E27/9837 Bd.1) prévoit un budget fixe, mais, malheureusement, en laisse le montant ouvert.
Vous dites que « partiellement raison sur le réseau Wiking », mais vos développements ne contredisent en rien ce que j’ai écrit. Pour ce qui est de la pénétration et de la manipulation de la ligne, j’ai moi-même, dans mon ouvrage, énoncé l’hypothèse – qui n’a rien d’inédite – qu’elle pouvait avoir été retournée ou utilisée, voire même créée, pour influer sur la politique helvétique. Que l’alarme de Wiking de mars 1943 ait grandement favorisé la rencontre entre Schellenberg et Guisan est un fait admis tant par les acteurs que par les historiens, et cela ne contredit en rien ce que j’ai écrit. Wiking, encore une fois, n’a pas de lien avec le Bureau Ha.
Vous écrivez : « Les relations entre les services secrets nazis et suisses étaient beaucoup plus fréquentes que vous voulez bien le suggérer, ne se sont pas résumé aux réunions entre Schellenberg Masson et Guisan et y sont bien antérieures. Elles sont devenues de plus en plus étroite au cours de la guerre. Il ne faudrait pas que l'arbre cache la forêt. »
J’ai émis un sérieux doute sur des liens entre le Bureau Ha et Schellenberg, jamais prétendu, ni suggéré, quoique ce soit sur les liens entre le SR suisse et ses homologues allemands. Il semble notamment que le capitaine Paul Meyer (plus connu sous son nom de plume de Wolf Schwertenbach), chef du Service spécial, puis officier au poste récepteur de Zürich (« Uto »), à l’origine de la liaison Masson-Schellenberg, avait de bons contacts en Allemagne.
A propos des liens entre Hausamann et le réseau Rado, vous écrivez que je fonde mon argumentation « sur la seule base citée de l'ouvrage de Read et Fischer ». Or, à ma connaissance, leur hypothèse n’a encore jamais été attaquée sérieusement. Par ailleurs, d’où tenez-vous la certitude que Masson a ordonné les arrestations ? A ma connaissance – et c’est ce qui ressort de dossier d’instruction de l’affaire (AF E5330/1982/1 Bd. 149-6 1944), du dossier du Service de contre-espionnage (AF E27/10110) et de l’ouvrage de Drago Arsenijevic, Genève appelle Moscou) –, c’est le Ministère public fédéral et la Police fédérale qui ont traité le cas de la branche suisse de l’Orchestre rouge. Pour finir avec ce dernier, la chronologie ne parle pas en faveur d’une pression de Schellenberg sur Masson. Ce n’est que dans la nuit du 12 au 13 octobre 1943 que la police suisse procéda aux premières arrestations alors que cela fait plus d’une année que les deux hommes sont en relation (le premier entretien date du 8 septembre 1942). Pour mémoire, le réseau berlinois tombe à l’été 1942 (le couple Schulze-Boysen est arrêté le 30 août 1942 et Harnack en septembre) ; Léopold Trepper est arrêté le 16 novembre 1942. Le démantèlement du réseau Rado n’est donc pas contemporain de celui de l’Orchestre rouge dans le reste de l’Europe.
En ce qui concerne les efforts de Masson envers Walter Schellenberg après la guerre, il faut savoir que le premier considérait le second comme un ami. Il l’appelait affectueusement « Schelli ». Il est évident que le pouvoir de séduction du SS a parfaitement fonctionné sur le chef du SR suisse et que le jeune général avait un allié en pays neutre durant la phase de dénazification. Pour autant, bien qu’adhérent à une droite dure et autoritaire, Roger Masson n’était pas un sympathisant nazi. |