Mon esprit de l'escalier continue à phosphorer... et j'invite tout un chacun à lui emboîter les marches.
Il est désormais clair que le témoignage de Murphy à Manvell et Fraenkel est frauduleux. Il reste d'ailleurs une étude minutieuse et bien intéressante à faire de ce qu'il a déclaré avant 1964, des rares déclarations officielles et de celles des autres témoins, en particulier sur le nom de l'arme du décès (ampoule -phial- ou capsule) et son matériau (verre ou métal).
Cela ne fait pas pour autant de Murphy une crapule ou un complice d'assassins. Au contraire, il est certain qu'il ment par raison d'Etat, et là l'historien est en terrain connu. Cette dissimulation n'est pas d'une autre essence que celle qui a indigné l'ancien ministre travailliste Roy Jenkins, y compris vis-à-vis de ses camarades Attlee et Greenwood, lorsqu'à la fin du siècle il a écrit sa bio de Churchill : il était atterré de voir que Churchill avait écrit que la question d'un armistice n'avait pas été évoquée en mai-juin 1940, et que la chose était démentie par les minutes du cabinet. Cf.
Raison d'Etat = tout faire pour limiter les controverses sur notre politique vis-à-vis de l'Allemagne pendant toute la durée du ministère Churchill.
La fraude de Murphy consiste précisément en ceci : il sait bien qu'à un moment Himmler n'avait pas de poison dans la bouche. Si jamais il ne le savait pas en 1945, à tout le moins vient-il de l'apprendre, là, par ce texte montrant combien Selvester avait été méticuleux et ingénieux pour en écarter l'hypothèse (il aurait dû avoir son premier rapport de l'époque par voie hiérarchique, mais avec les urgences changeantes du service on n'est jamais sûr que ce genre de texte soit lu de près). Il se met donc en devoir (ou sa hiérachie de 1964 lui commande) de refermer la brèche par tous les moyens, en traitant Selvester comme un parfait incompétent qui a compris après coup ce qu'il fallait faire et prétend l'avoir fait. Cela suppose, à peu près nécessairement, que ladite hiérarchie de 1964 est revenue vers Selvester pour lui dire que la raison d'Etat commandait ce petit sacrifice d'amour-propre.
En fait, il y a deux hypothèses ou familles d'hypothèses possibles : l'une nationale, l'autre locale. J'ai déjà largement (trop disent certains !) exploré la première : hostilité de Churchill à un procès même après sa conversion forcée du 3 mai, crainte que Himmler ait encore un grand pouvoir de nuisance, efficience politique attendue de l'exhibition du cadavre nu, misérablement suicidé, de la dernière terreur en vie... Finalement, renoncement probable à une liquidation au moment où on prend conscience que l'Allemagne se couche bel et bien... c'est à dire quand au juste ? et contrordre entravé quelque part, entre les encombrements du crâne churchillien et ceux du terrain ouest-allemand.
Raison locale : ce seraient plutôt des admirateurs de Himmler, anglais ou allemands, qui lui auraient subrepticement rendu son ampoule (ou donné une autre)...
A vous maintenant !