J'admire (sincèrement) l'aptitude de M. Delpla à bâtir d'aussi fascinantes théories sur du vide.
Evidemment, réduire mes objections à une
"forêt d'exclamations" lui permet d'éviter d'avoir à y répondre, et de repartir de plus belle dans ses excès d'imagination.
Il était matériellement impossible à un commando d'assassins de supprimer Himmler ce 23 mai, puisque ce dernier n'a pas cessé d'être sous la surveillance des Britanniques ? M. Delpla ne s'en inquiète guère, et nous apporte la solution : l'un de ces Britanniques, le colonel Murphy (qui a escorté Himmler vers Lüneburg), aurait tout simplement laissé ces assassins intervenir sur le trajet du convoi...
Peu importe, après tout, que M. Delpla se dispense de prouver ses affirmations. Peu importe également que son propre document-fétiche, le fameux
faux signé du prétendu assassin "Thomas", contredise ses assertions : le "tueur" signale en effet avoir intercepté Himmler à Lüneburg même, et qu'il aurait donné instruction d'y effacer toute trace de sa présence, ce qui indique que le meurtre ne s'est pas effectué sur le trajet. Si même M. Delpla en vient à contredire la seule "preuve" (frelatée qui plus est) à l'appui de son "dossier", je me demande sincèrement comment il peut raisonnablement espérer convaincre son auditoire.
Drôles d'assassins, d'ailleurs. Ils ont reçu un ordre de mise à mort, et... ne l'exécutent pas. Ils se contentent de remettre une capsule de cyanure à Himmler. Qu'il agisse comme bon lui semblera ! Alors qu'il serait si simple de supprimer Himmler devant des témoins que M. Delpla nous présente comme subornés, et dans l'obscurité de cette nuit froide, "on" laisse le destin faire. "On" suppose que Himmler paniquera, ou se laissera submerger par sa conscience.
L'hypothèse de M. Delpla me laisse en effet perplexe. Himmler doit absolument être éliminé, aurait ordonné Churchill selon M. Delpla, et finalement, "on" laisse la victime décider par elle-même, donc "on" prend le risque de la laisser en vie. Et toute cette subtilité pour quoi ? Pour accréditer ce qui sera la version officielle d'un événement dont "on" n'est finalement pas certain de la survenance, à savoir le suicide. Bref, alors qu'il serait si simple de commettre le meurtre dans des conditions ô combien plus favorables, sur le trajet de Lüneburg (puisque nos officiers du renseignement sont transformés en complices par M. Delpla), avec possibilité de présenter au public une version des faits que nul ne songera à contester (les suicides de
S.S. sont fréquents), "on" préfère recourir à un subterfuge compliqué et aléatoire, si compliqué d'ailleurs qu'il m'a fallu faire un effort assez conséquent pour en apprécier tout le mécanisme.
En d'autres termes, j'ai réellement peine à croire que M. Delpla souscrive sérieusement à une hypothèse aussi imbécile, étayée au demeurant par de simples conditionnels et un faux document que M. Delpla en vient lui-même à contredire.
Le reste du message de M. Delpla est tout aussi spéculatif. Il s'en tient à sa théorie selon laquelle le Ministère britannique de la Défense, et prétend me répondre ainsi :
"Tu rejettes également mon interprétation des échanges épistolaires entre Selvester et le War Office, en 1963. On ne lui censure que le passage où il dit qu'il avait envisagé d'endormir le prisonnier pour mieux le fouiller. Tu en déduis que ce ministère pensait qu'il n'y avait rien de compromettant dans le reste. Etonnant, puisque de ce reste on pouvait déduire tout ce qu'aujourd'hui j'en déduis."
Il convient de préciser que M. Delpla possède une imagination fertile. Son jury de thèse lui avait reproché d'
"exagérer le rôle des complots et des manipulations" (voir d'ailleurs
ici pour s'apercevoir de la manière dont M. Delpla s'efforce de neutraliser ce grief). Dans ces conditions, il ne m'étonne absolument pas que M. Delpla opère de telles déductions - qu'il est d'ailleurs le seul à soutenir, voire à comprendre. Que de telles déductions, en revanche, relèvent du domaine de l'Histoire, voilà qui se discute davantage.