Il lui fallait pour cela des hommes durs, courageux et ayant de l'autorité; mais des hommes qui restreignent leur mandat aux nécessités immédiates, c'est-à-dire à protéger le territoire qui ne pouvait échapper à l'ennemi, et ne se reconnaissent pas le droit de traiter pour ce qui restait libre; des hommes qui réservent l'avenir national au lieu de le sacrifier à un hypothétique plat de lentilles.
dit Larminat.
Or, j'ai fait litière de cette accusation : Vichy, loin de restreindre son mandat à la gouvernance de la zone libre, n'a cessé de revendiquer ses droits sur la zone occupée, sur la protection des prisonniers, sur l'empire.
Le statut des juifs de octobre 40 ne fut institué que quand le général de la Laurencie fit connaitre l'intention des Allemands d'appliquer à la zone occupée les lois de Nuremberg. Il fallait les gagner de vitesse.
Quant au plat de lentilles, inutile d'y revenir : ce sont ces millions d'humbles foyers dont parlait Churchill...
Il est facile à Larminat qui n' était plus en France de faire le dégoûté mais je voudrais voir sa tête si la Gestapo était venue le chercher, lui, sa femme et ses enfants pour les arrêter au petit matin.
"Mais alors, la condamnation de Pétain pour trahison, c'était la suite de la pièce ? Quelle utilité ? De Gaulle ne pouvait-il point enlever le masque et témoigner en faveur de l'autre grand homme ? Fallait-il dans l'intérêt de la France continuer à le sacrifier ? L'intérêt moral de la France n'aurait pas plutôt été de révéler le double jeu et de nous réconcilier avec nous mêmes définitivement ?"
dites-vous.
Or, c'est pointer juste au bon endroit.
De Gaulle a jugé qu'en effet, il fallait, dans l'intérêt de la France, sacrifier Pétain et ses collaborateurs "collaborateurs" : Laval, Dentz, Esteva...
Quand Pétain lui a envoyé un émissaire (l'amiral Auphan)en vue de la passation des pouvoirs "pour éviter la guerre civile" De Gaulle a "éconduit ce personnage".
Raison d'Etat oblige.
1/ Il ne pouvait dire à ses fidèles dont tant étaient morts sous la torture ou par les balles des miliciens qu'il les avait intimement trompés.
2/ Il y avait la résistance communiste qui n'aurait pas accepté et qui fut tout près de déclencher une guerre civile.
3/ Il renforçait ainsi sa stature morale sur le plan international car une politique de rupture vis à vis de Vichy avait une allure que n'aurait pas eue une plate réconciliation.
D'ailleurs Pétain l'a senti. Au moment de missionner Auphan, il lui dit : "De Gaulle est trop orgueilleux. Il n'acceptera pas".
A quoi de Gaulle aurait répondu qu'il n'était orgueilleux que pour la France.
Quand je vous le disais : Saint Louis, Du Guesclin, la Pucelle, Bayard, Henri IV, Richelieu, Turenne...De Gaulle !
Les grands hommes, comme de Gaulle et Churchill, ne disent ce qu'ils pensent vraiment qu'en privé. Ils sacrifient leurs émotions à leur tâche. C'est pour ça qu'ils sont grands.
Tel fut de Gaulle quand il parla à Rémy des deux cordes ou Churchill quand il parla au général Georges de l'armistice. |