***Churchill éprouve le besoin de préciser : "à l'époque je connaissais mal sa personne et ses idées"... ce qui est évidemment faux.***
à relativiser : il est inconcevable que ce boulimique de lectures politiques n'ait pas lu Mein Kampf, d'autant que Robert Boothby, un député conservateur alors très proche de lui (et qui aurait fait un grand ministre churchillien s'il n'avait été instable et querelleur), avait fait en 1930 un voyage d'observation politique en Allemagne (contrairement à celui de Churchill en 32, dont l'objectif était de documenter son pavé sur Marlborough) et avait donné l'alarme sur Hitler et le nazisme à toute la classe politique -Churchill étant, dira-t-il beaucoup plus tard, pas très intéressé mais bien plus que les autres !
Donc je nuancerai mon propos précédent en disant que Churchill ne connaissait peut-être pas bien la personne, mais la doctrine, si.
***fin novembre Churchill, dont l'antinazisme et les craintes vis-à-vis d'un revanchisme allemand étaient jusque là discrets, fait un grand discours contre le premier ministre Macdonald en disant que les "jeunes Teutons" ne réclament pas des droits, mais des armes, et pas pour les laisser au vestiaire.***
Ici il faut rappeler que les nazis subissent aux élections du début novembre leur premier et unique recul électoral depuis la "refondation" du parti en 1925, de 37 à 34 % des voix, et que la planète entière triomphe, y voyant le début d'une retombée du soufflé aussi rapide que son ascension et complètement inexorable, la palme en ce wishful thinking revenant à Léon Blum qui clame à la Une du Populaire que Hitler a perdu "même l'espérance" du pouvoir. Réflexe catastrophique, mais humain, de ceux qui l'ont négligé, sous-estimé ou mal combattu. Et réflexe grandement responsable de ce que ces gens veulent éviter : c'est ce recul, et son retentissement mondial, qui décident Papen et Hindenburg à confier la direction du gouvernement à Hitler en pensant lui passer une muselière, les nazis étant peu représentés autour de la table du conseil, contrairement aux conservateurs bon teint.
D'où sans doute le caractère flou du danger germanique dans le discours de Churchill, fin novembre. Il oublie provisoirement Hitler (soit qu'il pense lui aussi qu'il est fichu, soit qu'il ne veuille pas provoquer un débat confus avec ceux qui le pensent) pour concentrer le propos sur ce qui a rendu ses progrès possibles : les "jeunes Teutons" qui réclament non des droits mais des armes. |