Voici tout d'abord les deux récits.
Ernst Hanfstaengl, lié à de Randolph Churchill, apprend que Winston séjourne à Munich et vient lui annoncer que Hitler souhaite venir le voir à son hôtel. Churchill ajoute qu’il a l’intention d’aborder une certaine question :
Pourquoi votre chef est-il si violent envers les Juifs ? Je comprends parfaitement qu’on soit irrité contre les Juifs qui se conduisent mal ou font du tort au pays et je conçois qu’on leur résiste s’ils essaient d’accaparer le pouvoir dans un domaine quelconque, mais quel sens cela a-t-il de combattre un homme simplement en raison de sa naissance ? Comment peut-on être tenu responsable de sa naissance ?
Telle est la version des mémoires de Churchill. Voici celle de Hanfstaengl (1957) :
A un certain moment, Churchill m’attaqua sur le chapitre de l’antisémitisme de Hitler. Je lui répondis en essayant d’édulcorer au maximum mes explications et en soulignant que l’afflux d’immigrants juifs en provenance de l’Europe orientale et la trop forte proportion de leurs coreligionnaires au sein de différentes professions constituaient en Allemagne un problème extrêmement difficile à résoudre. Après m’avoir écouté avec une attention soutenue, Churchill me lança pour tout commentaire :
-Dites de ma part à votre patron que l’antisémitisme est peut-être un bon partant, mais un mauvais cheval de fond !
Donc certaines de vos hypothèses ne sont pas recevables. C'est Hitler qui est demandeur. Churchill n'anticipe nullement le génocide et, à cet instant, se contrefiche des Juifs, il est tout à son entomologie des "grands contemporains". Quelque chose cloche dans ce politicien à bien des égards remarquable : cette fixation contre les Juifs. Ce n'est pas sérieux, au moins ?
J'ajouterai que ces lignes (celles de Churchill) sont écrites bien après coup (environ 15 ans après, et quelles années !) et qu'à la différence de ce qu'on peut dire dans bien d'autres cas, ici la distance temporelle est gage d'authenticité (grâce au recoupement de Hanfstaengl, bien sûr) : ses relations avec Hitler ont connu des épisodes innombrables d'une tout autre intensité dramatique, et celui-là lui est resté en mémoire ! Fallait-il qu'il soit fondateur ! |