De l'esprit religieux - Himmler's Secret War - forum "Livres de guerre"
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Edition du 28 janvier 2008 à 11h53

Himmler's Secret War / Martin Allen

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-1Himmler, qui jouait sa peau de françois delpla

De l'esprit religieux de Nicolas Bernard le lundi 28 janvier 2008 à 11h24

François Delpla définissait l'esprit religieux comme étant une attitude anti-historique, découlant de la foi et consistant en une auto-persuasion telle qu'elle en venait à manipuler les faits eux-mêmes.

Il ne réalise sans doute pas à quel point ces mots définissent à merveille son attitude vis-à-vis des circonstances du suicide de Himmler. Il semble (j'insiste sur le conditionnel) si bien s'être convaincu que Himmler avait en réalité été assassiné qu'il en est venu à accumuler les inexactitudes délibérées, et à déformer le contenu même des témoignages.

C'est ainsi qu'il prétendait que Himmler possédait une ampoule de poison "en verre fragile". L'affirmation était étonnante, car elle ne correspondait pas à ce que l'on savait des ampoules de cyanure appartenant aux chefs nazis, bien plus solides en vérité.

Il lui a donc été demandé de prouver ses dires. M. Delpla a répondu. Il a produit le témoignage du capitaine Selvester, qui avait pu voir l'une des capsules de cyanure retrouvées sur Himmler. Manque de chance, Selvester parlait d'"a small glass phial", c'est à dire une "petite ampoule de verre". Il ne se prononçait pas sur la solidité de la chose.

En d'autres termes, M. Delpla commettait là un énorme contresens. Et qu'il ait abusivement traduit l'expression de Selvester par "ampoule de verre fragile" confirme bien qu'il ne se fonde certainement pas sur les faits, mais les arrange à sa convenance, les modèle selon sa propre vision de la chose. Si aveuglé qu'il est par sa propre théorie, il adapte un témoignage à sa cause, et lui faire dire ce qu'il ne dit précisément pas. Bref, là où d'autres auraient parlé d'"escroquerie intellectuelle", je serai pour ma part plus indulgent et concèderai que M. Delpla a fait la preuve, en la circonstance, de l'esprit religieux qui domine son "analyse" du dossier.

A ce stade, l'on pourrait au moins s'attendre à ce que M. Delpla reconnaisse s'être trompé. Mais l'esprit religieux sera le plus fort. M. Delpla se défendra en prétendant que "le verre est synonyme de fragilité" tout en prétendant de manière incohérente, "à moins qu'il ne soit spécialement épaissi pour être résistant".

Mieux encore, il va invoquer en catastrophe une photographie de la capsule de cyanure retrouvée sur Himmler et que j'avais produite pour montrer que la très petite taille de l'engin lui permettait de le dissimuler dans une bouche. A partir de cette seule photographie, M. Delpla parvient à déduire la texture de cette ampoule, prétend qu'elle "n'a pas l'air bien costaude", et ajoute qu'il lui "semble même qu'elle est faite pour être croquée sans effort particulier". Que voilà assurément un raisonnement ô combien scientifique et rigoureux, fondé sur une analyse approfondie d'une photographie par un véritable expert en la matière !

Plus simplement, M. Delpla ne savait plus quoi répondre.

Il n'en a pas moins persisté dans les incohérences et les inexactitudes.

Premièrement, il prétendait que l'ampoule était "peu dissimulable dans une dentition, si clairsemée soit-elle, ni dans la plus caverneuse des mâchoires" ? Cette allégation est sans valeur, ainsi que l'établit formellement la photographie produite à cet effet, et ainsi que le reconnaît François Delpla lui-même, puisqu'il a du admettre (non sans de réelles difficultés, et tout en maintenant contre l'évidence sa théorie du meurtre) que Himmler avait réussi à dissimuler l'engin à poison dans sa mâchoire, alors qu'il était détenu à Lüneburg, où il s'est d'ailleurs exprimé normalement. Un peu de cohérence ne ferait pas de mal à M. Depla : si Himmler a pu conserver cette capsule de poison dans sa mâchoire à Lüneburg, il faut admettre qu'il a pu le faire antérieurement, au camp de regroupement du capitaine Selvester. Cette ampoule était solide. Elle était petite. Elle était donc dissimulable dans sa bouche.

M. Delpla ajoutait qu'il ne croyait pas que Himmler ait pu conserver cette capsule dans sa mâchoire "huit heures en parlant et en mangeant normalement des aliments choisis pour leur dureté". Mais bien sûr : le capitaine Selvester lui aurait faire boire du thé et manger des sandwiches au fromage, rien de bien dangereux compte tenu de la solidité de l'ampoule, sans oublier que documents et témoignages établissent formellement que Himmler est resté entre les mains de Selvester pendant au plus trois heures (et à Lüneburg pendant au plus deux heures), fait qui a été constamment rappelé à M. Delpla, mais qu'il est absolument incapable d'admettre. Himmler, qui jouait sa peau et dont l'ampoule de cyanure devenait d'heure en heure sa dernière porte de sortie, pouvait se permettre ce relatif "inconfort".

En d'autres termes, non seulement M. Delpla refusait nettement de reconnaître ne serait-ce qu'avoir eu tort, en commettant une grossière erreur de traduction, mais il persistait dans de tout aussi grossières inexactitudes déjà maintes fois réfutées, tout en sombrant dans le ridicule par sa lumineuse interprétation d'une photographie ("n'a pas l'air...", "il me semble...").

Allait-il cette fois devenir un peu plus raisonnable ? Allait-il admettre s'être trompé ? Qu'on en juge. Il se dérobe une fois de plus, et considérant que la meilleure défense, c'est l'attaque, il s'en prend au témoignage du colonel Murphy (assimilé, pour faire bonne figure, à mon "témoin vedette") : "Nicolas qui joue sous nos yeux, enfin, son va-tout à grands coups d'effets de manche de prétoire, va se faire un plaisir de nous indiquer pourquoi l'alchimiste Murphy éprouve le besoin de transmuer le verre en métal."

Des effets de manche ? L'expression résume fort bien les boiteuses diversions et dénégations de M. Delpla. Quant à l'accusation portée contre le colonel Murphy, voyons de quoi il retourne.

Murphy a pu voir la capsule de cyanure qui a été retrouvée sur Himmler (l'absence de l'autre dans son étui l'avait amené à déduire qu'il la portait toujours sur lui, et dans sa bouche) : "Pour autant que je me rappelle de celle trouvée dans ses vêtements, elle était de métal fin, suffisamment solide pour résister à une mastication soigneuse et aux liquides - surtout si c'était l'autre côté de la bouche qui était utilisé - mais pas suffisamment pour résister à une action visant à la briser."

M. Delpla fait grand cas de l'expression "métal fin" ("thin metal" en v.o.), sans tenir compte du fait que Murphy, de son propre aveu, s'exprime de mémoire vingt ans après les faits, et que de toutes les manières il ne nie pas que l'ampoule de cyanure pouvait être brisée d'un bon coup de dents, outre d'être suffisamment "solide pour résister à une mastication soigneuse et aux liquides". Une description confirmée par l'historien Jacques Delarue : "les chefs nazis portaient une capsule de cyanure, parfaitement étanche, dissimulée dans la bouche. Il fallait la broyer pour que le poison agisse. Si elle était avalée accidentellement, la capsule résistait aux acides de la digestion et ne produisait aucun effet" (Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, Fayard, 1963, p. 443).

Murphy, vingt ans plus tard, aurait confondu du "métal fin" avec du verre solide ? Le fait est qu'il décrit une ampoule de cyanure qui n'a précisément rien de "fragile". Mais M. Delpla s'attache à ce détail sans importance et extrait de son contexte pour mieux insinuer que Murphy a menti, que la capsule était en fait tout ce qu'il y a de "fragile", et que de toutes les manières il n'avait pas tort. Bref, à partir d'un seul mot employé par un témoin s'exprimant de mémoire deux décennies après les faits qu'il a observés, M. Delpla ne déduit rien de moins que ledit témoin commet un faux témoignage, et espère discréditer l'ensemble de ma démonstration.

Ce n'est ni sérieux, ni rigoureux. Mais en tous les cas, très religieux.

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