> Tout ce que je dis, c'est : les archives montrent que
> Himmler n'a pas pu garder du poison dans sa bouche
> pendant toute sa détention.
Cette assertion est totalement fantaisiste, et a été démontée maintes et maintes fois.
Que vous ne cessiez de la répéter, sans tenir compte des objections qui vous sont adressées, est la meilleure preuve de votre mauvaise foi.
> Donc il y a eu un fournisseur
> quelque part. Voilà pour ma certitude.
Un fournisseur surgi de nulle part, que personne n'a aperçu, dont la seule pièce attestant l'existence n'est qu'un vulgaire faux, et - mieux encore ! - qui exécute très bizarrement un ordre de tuer :
il se contente... de remettre une capsule de poison (surgie de nulle part, elle aussi) à sa victime, en lui demandant tout bonnement de mettre fin à ses jours quand bon lui semblera !
Mieux encore, notre tueur (un certain
"Mr. Thomas" !) n'est guère soucieux de rester cohérent dans son "rapport" : d'un côté, il prétend que plusieurs hommes ont supprimé Himmler (
"we successfully intercepted Himmler"), et de l'autre il explique qu'il a ordonné de faire silence sur
sa présence à Lüneburg. Et pourquoi pas ses complices ? Ce
"Mr. Thomas" également un menteur, lorsqu'"il" prétend que Himmler a été intercepté et réduit au silence à Lüneburg, puisque le suicide de Himmler à cet endroit est avéré (y compris même par un François Delpla, qui a certes tardé à se rendre à l'évidence).
> Ensuite, une
> hypothèse : cette fourniture a peut-être un rapport avec
> deux désirs churchilliens : voir les dirigeants nazis
> quitter la scène d'eux-mêmes
Le 3 mai 1945, Churchill abandonne cette politique, laquelle
n'impliquait certainement pas de supprimer en catimini les hauts gradés capturés sans en référer au moins aux Américains, puisque l'exécution desdits hauts gradés devait résulter d'un accord interallié (lequel aboutira en fait au procès de Nuremberg, grâce aux Américains et aux Soviétiques).
Ce revirement-surprise n'avait pas été prévu par Swinton, Ministre de l'Aviation civile, lequel avait tenu ce langage
au cours de la réunion du Cabinet de Guerre de ce 3 mai 1945 :
"La situation a changé : si nous ne pouvons agréer une procédure pour les leaders, faisons-le pour les subalternes. Les leaders vont être liquidés de toute façon."
La suggestion de Swinton s'intégrait dans le cadre de ce qui était jusqu'alors la politique britannique en matière de criminels de guerre :
zéro poursuite, et mise à mort des leaders. Cette mise à mort ne pouvait intervenir que dans le cadre d'une procédure agréée par les Alliés, américains et soviétiques.
Et que répond Churchill ? Va-t-il répliquer qu'un plan a été organisé pour éliminer Himmler ? Que des tueurs vont être envoyés ? Ou pire : ont été envoyés ? Rien de tout cela.
Le Premier Ministre répond en effet par une question :
"Pourrait-on négocier avec je ne sais pas, moi, Himmler, et le buter ensuite ?" A quoi réplique un des participants, d'après la retranscription : "
Entièrement fondés à le faire. Et problèmes s’il ne l’est pas. Chef de la Gestapo."
S'il existait une opération contre Himmler, Churchill n'aurait jamais tenu un tel langage, qui prouve au contraire que rien n'a été prévu. D'abord, on ne négocie pas avec un individu sur lequel plane l'ombre des tueurs britanniques. Quant à la question de le
"buter ensuite",
qui prouve que le sort de Himmler n'est absolument pas scellé (et trahit même un réel manque d'intérêt de Churchill sur le sujet, puisqu'il n'y reviendra plus par la suite), elle fait référence au contexte de la proposition de Swinton : la liquidation de Himmler, en qualité de chef nazi, relève de la conception toute britannique de la politique à suivre en matière de criminels de guerre, à savoir l'absence de poursuite des subordonnés et la mise à mort sans procès des pontes du régime. Il ne s'agit certainement pas d'une proposition de type mafieux cherchant à liquider un gêneur, mais de faire, d'une certaine manière, justice.
La réplique du participant ("
Entièrement fondés à le faire. Et problèmes s’il ne l’est pas. Chef de la Gestapo.")
s'inscrit également dans ce contexte. Puisqu'il n'est pas question de juger les leaders nationaux-socialistes, mais de les exécuter, il n'est pas davantage question de laisser vivre Himmler, chef de la Gestapo donc criminel de guerre n° 1 : l'opinion publique ne comprendrait pas qu'un tel déchet de l'humanité survive ("Et problèmes s’il ne l’est pas"). Bref, la suppression de Himmler relève ici, non du projet d'assassinat crapuleux,
mais de la politique à appliquer en matière de crimes de guerre. Les chefs nazis ne doivent pas survivre, parce que ce sont des criminels. Ils ne doivent pas être jugés, parce que les procès risquent de tourner au fiasco, comme à Leipzig en 1921.
Or, cette politique va ensuite être abandonnée par Churchill au cours de cette même session du Cabinet de Guerre. Il faut évidemment en déduire qu'il renonce à faire supprimer Himmler (et les autres), et que ce dernier devra figurer dans le box des accusés.
Une autre preuve que Churchill a rallié le concept d'un procès pour les grands dirigeants nazis nous est fournie par le télégramme adressé par lui à son Ministre des Affaires Etrangères, Anthony Eden, le 14 mai :
"Il ne faudra pas oublier bien entendu que si Dönitz est un instrument docile pour nous, cela viendra en atténuation de ses crimes de guerre. Voulez-vous avoir en main un levier qui vous permette de manoeuvrer ce peuple vaincu ou simplement plonger vos mains nues dans une fourmilière en émoi ?" C'est avouer qu'il est prévu de juger le chef du
Reich, ancien chef de la
Kriegsmarine : ses charges seront atténuées, non exonérées. Des propos incompréhensibles s'il n'y a là mention d'un procès.
François Delpla
formule une autre interprétation de cette session, pour le moins fantaisiste : selon lui, les propos tenus prouveraient que Churchill veut faire supprimer Himmler parce que ce dernier peut encore susciter des troubles en Europe grâce à sa
Gestapo (laquelle, pour rappel, et comme ne peut l'ignorer Churchill, n'existe pratiquement plus, ses cadres se fondant dans la masse ou s'efforçant de gagner des cieux plus cléments) ! Cette interprétation ne tient pas compte du contexte des déclarations formulées, outre de reposer sur des présupposés non démontrés - en l'occurrence, les prétendues inquiétudes britanniques quant au soi-disant pouvoir de nuisance des
S.S. de Himmler en Europe. Prétendues, en effet, car lesdits Britanniques occupaient une partie de l'Allemagne depuis quelques mois, et avaient pu réaliser que l'ordre y régnait.
> et préserver Dönitz de
> toute tutelle SS.
Absurde. En ce cas là, pourquoi tuer Himmler ? Pourquoi ne pas le laisser en détention ?
Il est certes vrai que Churchill a envisagé d'utiliser Dönitz pour ramener l'ordre en Allemagne, au sens de réduire le chaos grâce à un embryon d'administration. Il n'a pas dissimulé ce désir dans le télégramme précité du 14 mai 1945. Mais il va très vite abandonner cette option, en fait embarrassante vis-à-vis des Américains et des Soviétiques, lesquels militent contre le maintien du gouvernement allemand, comme en témoigne la proclamation d'Eisenhower du 15 mai. Deux jours plus tard, le 17 mai, le conseiller politique du
S.H.A.E.F., Robert Murphy, et le représentant britannique de l'autorité de contrôle alliée de l'
O.K.W. recommandent l'abolition du
"so-called acting government" de Flensburg. Le 18, le
S.H.A.E.F. demande l'accord des Soviétiques pour mettre Dönitz et ses ministres en état d'arrestation. Compte tenu de la sympathie que suscite ce gouvernement auprès de Moscou, il n'est pas bien difficile de prédire ce que sera la réponse russe, qui tombe le lendemain et s'avère évidemment être une approbation. Le 19 mai, instruction est donnée par le
S.H.A.E.F. au 21e groupe d'armées britannique de procéder à l'arrestation. Ce sera chose faite le 23 mai au matin.
Dans ces conditions, et vu que la liquidation du gouvernement Dönitz a été décidée le 19 mai (et était dans l'air depuis le 15 mai), on se demande
vraiment ce qui a pu pousser Churchill à vouloir supprimer Himmler.
A moins d'admettre la "thèse" d'un "contre-ordre", formulé au moins le 19 mai, et qui n'aurait jamais atteint un tueur que l'on nous présente pourtant
comme en contact direct avec un proche collaborateur de Churchill, Robert Bruce-Lockhart... Ben voyons !
François Delpla accuse Churchill d'avoir commandité un meurtre par le biais d'une organisation absolument incompétente en la matière, mais qui réussit pour son premier et dernier essai un coup magistral, le suicide parfait, et avec hypnose/suggestion/corruption/persuasion et de la victime et des témoins ! C'est pas une théorie du complot, ça, peut-être ?
Churchill abandonne le 3 mai 1945 sa politique de suppression des leaders nazis et se rallie à un procès, ce alors qu'il n'existe aucune opération visant à liquider Himmler. Les 18-19 mai, il laisse définitivement tomber Dönitz, et n'ignore pas que cet abandon devient de plus en plus inévitable depuis quelques jours.
Il n'y a aucune place, dans cette chronologie, pour un projet d'assassinat du Reichsführer.
> Pour la suite, les dissimulations, etc., Nicolas me prête
> indûment une théorie du complot. Il y a une
> administration qui bétonne, et c'est tout.
Qui bétonne au nom d'obscurs secrets, et sur ordre du gouvernement de Sa Majesté. Là encore, ce genre d'assertion - totalement inepte - relève de la théorie du complot pur et simple.
Vos dénégations dans cette affaire sont de plus en plus ridicules. Mais il est vrai que tout en accusant Churchill d'avoir commandité un meurtre, vous avez nié occasionnellement... avoir accusé Churchill d'avoir commandité un meurtre. Un tel degré de mauvaise foi est également révélateur de votre manière d'appréhender les faits historiques en la matière.