... ou de quoi Deleu y s' mêle ? Bon bin, Deleu, sans trop saisir les enjeux, se passionne pour un débat qui rebondit d'espaces de discussion en espaces de discussion.
Bonsoir,
Plus sérieusement ! Avant d'aborder l'ouvrage de François Delpla, " Nuremberg face à l'Histoire", je m'arme d'un bagage suffisant pour en saisir toute la quintessence. De mes caves humides, j'ai remonté l'ouvrage "pionnier", " Le procès de Nuremberg", de Jo Heidegger et Johannes Leeb, éditions Corrêa, Buchet-Chastel, Paris 1959 (réédité dans la collection "J'ai Lu" en 1966). Et comme l'ouvrage a probablement pris des rides, " Le procès de Nuremberg" d'Annette Wieviorka, aux éditions Liana Levi, 2006 - en cours de lecture - devrait compléter mon érudition.
Revenons au livre de Joe Heydecker et Johannes Leeb, tous deux présents lors du procès. A titre documentaire, je reproduis, ci-dessous, leur version du suicide de Himmler.
Mais avant cela, rappelons brièvement que Himmler, la moustache rasée et un oeil caché par un carré noir, tenta de fuir à l'Ouest sous la fausse identité de Heinrich Hitzinger. Alors que la plupart des réfugiés était démuni de tout papier, Himmler, policier dans l'âme, s'est fait confectionner un laissez-passer de la Sécurité de l'Armée de l'air. Erreur monumentale ! Ce document, trop bien pourvu de tampons et de signatures, attire l'attention des sentinelles britanniques filtrant le passage vers l'Ouest. Les Britanniques méfiants décident de garder le "réfugié" et appellent à la rescousse le service de contre-espionnage de la IIe Armée. Les officiers reconnaissent rapidement que l'étrange personnage n'est autre que Heinrich Himmler.
Suite du récit par les auteurs du livre : Le soir même, trois officiers supérieurs se mettent en route pour examiner de plus près ce prisonnier qui promet.
En arrivant au camp, Ils apprennent qu'il y a eu un coup de théâtre. Dans l'après-midi, le détenu a sollicité une entrevue avec le commandant. Celui-ci, bon bougre, l'a fait introduire dans son bureau et renvoyé les soldats de garde.
LE COMMANDANT. - Eh bien ?
Alors, d'un geste sec, le prisonnier arrache son pansement, sort de sa poche une paire de lunettes qu'il se met sur le nez, et claque les talons.
HIMMLER. - Je me présente: Heinrich Himmler.
L'Anglais ravale sa salive. Peut-être doit-il réprimer un frisson d'horreur. Mais, déjà, Himmler enchaîne:
HIMMLER. - Il faut que je puisse m'entretenir avec le maréchal Montgomery. C'est urgent.
Le commandant s'est ressaisi.
LE COMMANDANT. - J'aviserai le Q.G. de l'armée, gronde-t-il.
Puis, coupant court aux protestations du prisonnier, il le fait reconduire dans sa cellule et ordonne de doubler les sentinelles.
On ne saura jamais pour quelle raison Himmler a brusquement renoncé à sa fausse identité. Mais on peut supposer qu'il se croyait toujours appelé à négocier avec les vainqueurs. A condition, bien entendu, de se faire connaître ...
Un peu plus tard, les officiers du Q.G, arrivent, prennent livraison du prisonnier et le ramènent à Lunebourg. C'est là que les espoirs insensés de Himmler vont définitivement s'effondrer. L'attitude des Britanniques montre clairement qu'ils n'ont pas du tout l'intention de le traiter en interlocuteur.
Pour commencer, ils le déshabillent. Un médecin militaire, le capitaine Wells, fouille ses vêtements et son anatomie. Dans une poche se vareuse, on découvre une ampoule de cyanure, longue de douze millimètres, presque aussi grosse qu'une cigarette. Puis on lui donne un vieil uniforme anglais et on l'enferme dans une mansarde.
Tard dans la soirée, arrive le colonel Murphy, du 2e bureau de Montgomery. Il est chargé de contrôler les mesures de sécurité prises par le commandant du camp, et de procéder à un premier interrogatoire. Comme les officiers lui font leur rapport. il les interrompt:
MURPHY. - Vous l'avez fouillé, je pense. Avait-il du poison sur lui ?
WELLS. - Oui. Une ampoule, dans la poche. Rien d'autre. En tout cas, il ne pourra pas se suicider.
MURPHY. - Je l'espère. Avez-vous songé à bien regarder dans sa bouche ? Non ? Alors, veuillez le faire immédiatement. Peut-être l'ampoule qu'il portait dans la poche devait-elle simplement détourner l'attention.
On extrait donc Himmler de sa mansarde et on l'invite à ouvrir la bouche. L'espace d'une seconde, il se raidit, ses yeux se rétrécissent. Ses mâchoires se mettent à bouger, d'un mouvement de meules qui broient. L'instant d'après, il s'effondre comme une masse.
Le médecin se jette à genoux, s'efforce de glisser les doigts entre les dents du mourant pour lui arracher les restes de l'ampoule. Le colonel Murphy hurle des ordres. Un autre médecin accourt et administre au prisonnier, déjà inconscient, un puissant vomitif. On lui fait un lavage d'estomac, on tente l'impossible. En vain. Au bout de douze minutes, les médecins abandonnent. Himmler est mort.
Bien cordialement,
Francis. |