O.K., je vois ce que vous voulez dire, n'empêche que je ne suis pas certain, pour le coup, que la dégradation des relations entre officiers italiens et Rommel ait été préjudiciable à ce dernier - et, en dernier ressort, à l'Axe.
A mon avis, Rommel n'est, en matière d'italophobie, pas un cas isolé. De fait, je me demande si Hitler aurait pu dégoter un commandant de blindés qui eût été en phase avec le Commando Supremo, d'un simple point de vue d'estime nationale mutuelle. Il me semble bien plutôt que la rivalité entre le "Renard du Désert" et les Italiens, en 1941, résultera d'abord de deux approches stratégiques et tactiques différentes, entre d'un côté un adepte du Blitzkrieg et de l'autre des généraux un peu plus statiques. D'ailleurs, notre spécialiste de l'armée italienne de Mussolini, David Zambon, note que le futur Feldmarschall s'entendait fort bien avec Gariboldi... car ce dernier le laissait agir à sa guise (David Zambon, "Afrika Korps 1941. De Tripoli à Battleaxe", Histoire de Guerre n° 20, novembre 1941, p. 36).
Mais il est vrai, d'un autre côté, que Rommel aura la nette tendance à accuser ses alliés transalpins dès qu'il s'agira de justifier ses échecs (la lecture de ses Carnets est à ce propos significative). Et ses relations seront extrêmement tendues avec le successeur de Gariboldi, Ettore Bastico.
Cela dit, je ne suis pas sûr de pouvoir vous rejoindre lorsque vous écrivez qu'il "est absolument incapable d'intégrer son action dans un ensemble coalisé plus vaste", faute pour lui de respecter ses alliés. Si sa mésentente avec le Commando Supremo est notoire, il demeure que ce dernier saura pourtant se soumettre à ses desiderata, de bon ou mauvais gré. Rommel ne se préoccupait ni des officiers du Duce, ni même de logistique : défaut, certes, mais qui ne l'empêchera pas d'être à deux doigts de conquérir Alexandrie et le canal de Suez. Les causes de son échec sont plutôt à regarder du côté de Malte, qui étranglera parfois son ravitaillement, et qu'il refusera de faire prendre d'assaut sous prétexte de profiter de la déroute anglaise de Gazala en mai 1942. Sa brouille avec les Italiens me semble très accessoire, en définitive.
Quant à Halder, il demande à relever Rommel de son commandement suite aux mécomptes enregistrés au cours de l'attaque - passablement improvisée (David Zambon, op. cit., p. 40-41) - de Tobrouk. L'O.K.H. redoutait que Rommel n'en fasse trop et n'expose ses troupes à l'anéantissement - ce qui peut se comprendre de la part d'un esprit aussi conservateur que Halder. Ce dernier, le 20 mars 1941, avait d'ailleurs eu une entrevue orageuse avec le "Renard du Désert" à propos des difficultés logistiques, et connaissant l'extrême susceptibilité du personnage, je doute qu'il n'ait pas nourri certaine rancoeur à son égard. Il enverra d'ailleurs un certain Friedrich Paulus surveiller et rappeler à l'ordre ce "jeune" homme impétueux. Comme il le note dans son Journal, "lui seul pourra peut-être, par son influence personnelle, ramener à la raison ce forcené complètement toqué". Mais Hitler conservera toute sa confiance à Rommel, et les intrigues de Halder n'aboutiront pas. |