C'est ce que je racontais dans le premier numéro de B&B, dans l'article biographique consacré au mésestimé Montgomery : ce dernier, à la différence de ses prédécesseurs (les fameux "généraux du désert" stigmatisés par Corelli Barnett), avait fort bien compris qu'en tout premier lieu, le mythe Rommel ne pouvait être combattu que par un autre mythe. Le sien.
Auchinleck - meilleur tacticien que "Monty", selon certains que je suis tenté de rejoindre - n'avait pas assimilé cette donnée essentielle. Sa fameuse instruction aux troupes britanniques consacrée à "Notre ami Rommel" ne faisait, en définitive, que constater le symptome au lieu de guérir la maladie. De fait Auchinleck, quoi qu'on dise et nonobstant son indéniable valeur militaire, a été relativement oublié par l'Histoire, au contraire de son successeur.
Certes, Montgomery n'avait pas innové. La propagande britannique (après avoir fait preuve de racisme italophobe en stigmatisant les "Macaroni" - voir à ce sujet une édifiante émission d'Histoire parallèle consacrée à ce thème, diffusée certes quinze ans auparavant) avait mis en avant les "rats du désert" face au "Renard". Mais l'opinion publique, la VIIIe armée avaient besoin d'un héros, qui devait absolument faire contre-point au conquérant allemand, un héros qui devait au contraire incarner la ténacité britannique, la ruse, la hardiesse.
D'où ce général, teigneux, intolérant, bref insupportable, mais pourtant inoubliable avec son faciès émacié, ses yeux révolver et surtout son béret. Son futur rival George Patton aura également su comprendre la force des symboles : pistolets à crosse de nacre, franc-parler...
Certes, ce n'est pas l'image qui a vaincu à El Alamein. L'armée italo-allemande était épuisée, la VIIIe armée alignant une considérable supériorité numérique dans tous les domaines. Mais il fallait une nouvelle tête pour incarner ce que Churchill appellera judicieusement "la fin du commencement". |