Bonjour Cédric, bonjour Nicolas, bonjour à tous,
Votre débat est fort intéressant. Nicolas utilise certainement des termes un peu trop emphatiques à mon égard, et Cédric en connaît au moins autant que moi sur l'armée italienne ;-)) .
Les relations entre Rommel et les Italiens étaient pour le moins ambiguës et la seule lecture de ses carnets le confirme. Il était probablement moins italophobe que beaucoup d'autres officiers supérieurs allemands, connaissait parfaitement les points forts et les points faibles de ses alliés: son expérience sur le front italien en 1917 avait été à cet égard très bénéfique. Il avait même de très bons rapports avec de nombreux généraux et officiers supérieurs du Regio Esercito (les meilleurs!: Baldassare, Ferrari Orsi, Frattini, Caccia Dominioni, Gloria, etc. la liste est longue!) mais méprisait cordialement, comme beaucoup d'Italiens d'ailleurs, le Comando Supremo. Pourtant, dans la défaite, il n'hésitait pas à reporter toutes les fautes, qui étaient souvent les siennes (l'exemple de l'échec devant Tobrouk en 1941 est à ce sujet très évocateur: il devient alors méprisable et injuste, accuse les Italiens de lâcheté alors qu'ils se sont sacrifiés dans des attaques suicides et c'est un officier italien portant encore les stigmates du combat qui le remet vertement à sa place et qui recevra même des excuses du Fuchs) sur ses alliés: mauvaise foi? Fausse justification face à son chef suprême, Adolf Hitler?. Malgré tout, la troupe italienne l'apprécie: il est dur avec eux mais il les encourage. La seule présence de Rommel les galvanise. Graziani s'était-il montré en premières lignes lors des revers subis lors de l'opération Compass? Certes non. Je pense que Rommel pratageait des sentiments très contradictoires envers les Italiens: un mépris pour le manque de compétence de nombreux chefs, pour l'équipement disparate et l'entraînement insuffisant des hommes dont la conséquence directe était un manque de "rendement" sur le terrain, mais aussi une certaine admiration pour leurs qualités: travailleurs hors pair (les travaux sur la Balbia furentaccomplis en un temps record), frugaux, résistants, de bonne volonté. Il est même étonnant de trouver dans ses carnets (p. 306-307 de l'édition du Livre Contemporain) ces lignes élogieuses sur les troupes blindées italiennes car il n'était pas de bon ton de le faire, tout simplement (les vétérans allemands et du Commonwealth, de toutes les armes, ne le font généralement que lorsqu'on leur pose la question: et là, on a de grosses surprises!!). La fameuse phrase "les soldats allemands ont étonné le monde mais les Bersaglieri ont étonné les soldats allemands" est tout à fait représentative de ce que Rommel pouvait déclarer (de bonne foi?) et les Italiens y étaient très sensibles. Le point de vue de Rommel sur les Italiens était grosso modo celui du citoyen allemand lambda. Mais pour revenir au fond du débat, il est clair qu'il manquait une coordination stratégique entre les partenaires de l'Axe, en Afrique et ailleurs. Mais Mussolini voyait-il d'un bon oeil la présence allemande sur les rives de la Méditerranée? Non. Quand bien même cette coordination eût-elle existé, les Italiens, aux difficultés inhérentes à leur faible industrialisation et à la bureaucratie fasciste si handicapante, auraient-ils pu atteindre leurs objectif? Rien n'est moins sûr. Ce qui est certain, c'est qu'au contact des Allemands, les soldats italiens d'Afrique se sont très rapidement aguerris et qu'il n'y eut jamais plus (sauf le 13 mai 1943, naturellement) de redditions massives comme pendant l'hiver 1940-41 (fort logiques d'ailleurs étant donné les troupes qui combattaient alors: unités de chemises noires aussi entraînées a combat que des scouts et divisions coloniales). Une preuve parmi d'autres: la tentative de percée de Montgomery au sud du disositif défensif d'El Alamein fut réduite à néant par quelques paras et fantassins minés par la dyssenterie, malgré une disproportion de forces inouïe. Et en Tunisie, les Italiens, de l'aveu de tous, se battirent mieux que les Allemands. |