Bonjour,
Après avoir lu et relu une (bonne) part de l'imposante bibliographie se rapportant à la Résistance en général et à Lyon 1943, à Jean Moulin, à l'affaire de Caluire, à l'affaire Aubrac et au procès de Klaus Barbie en particulier à travers des auteurs aux motivations très diverses : Azéma, Cordier, Péan, Baumel, Bouchinet-Serreulles, Delpla, Guérin, Aglan, Chauvy (le contradicteur des Aubrac pas toujours honnête), etc., pour moi, le récit de Lucie Aubrac est un livre de souvenirs parfois romancés.
Il n'a pas la rigueur suffisante pour être considéré comme un essai décisif.
Comme que vous l'avez rappelé, Lucie Aubrac avait une formation d'historienne. Elle aurait pu choisir, comme l'ont fait Daniel Cordier (non historien au départ) pour sa momumentale biographie de Jean Moulin ou Jean-Louis Crémieux-Brilhac pour sa très utile "Histoire de la France Libre", de travailler, par exemple sur une histoire de Lyon, capitale de la Résistance ou sur l'histoire du mouvement Libération, mais elle a préféré donner un livre de souvenirs qui n'a pas la précision des deux ouvrages précédents. (Contrairement à ce prétendent certains , avoir pris part à des événements de portée historique n'empêche pas de faire oeuvre d'historiens reconnus, les deux auteurs cités sont selon moi deux cas exemplaires.)
Ce choix éditorial, dont je ne connais pas les raisons, renforce le mythe mais n'éclaire pas vraiment la réalité historique.
Reste un livre qu'il faut prendre pour ce qu'il est : un récit agréable à lire qui rapporte l'ambiance dans laquelle évoluèrent certains résistants.
Concernant "l'affaire Aubrac", c'est un terrain miné et très réactif. Après avoir, là aussi, essayé de lire en profondeur les essais et articles des deux parties (Delpla et Chauvy pour résumer un peu brutalement), si je n'adhère pas du tout à la thèse de Chauvy, je n'ai pas réussi à être complètement convaincu historiquement par les partisans des Aubrac.
Il y a trop d'imprécisions dans les dates et les années passées ont certainement modifié les souvenirs des acteurs et des témoins de l'affaire, ce qui, après tout est normal et très humain.
Je crois surtout que stimulé par un Vergès terroriste, un courant a cherché à créer le doute dans la tête des Français quant à la légitimité de la Résistance, ce qui est indigne. Le problème est qu'ils se sont attaqué à des figures emblématiques de la Résistance, ce qui a affectivement créé un écho immense.
Mais il reste un flou technique, si j'ose dire et c'est ce que Cordier laisse entendre dans la lettre qu'il écrivit après le "procès-table ronde" de Libération, du moins, c'est ainsi que je l'ai interprétée...
Bien cordialement,
René Claude |