Bonsoir-bonjour,
J'ai mis à profit le week-end pour entamer une relecture la plus attentive possible de l'enquête "Aubrac, Lyon 1943" de Gérard Chauvy.
Je dois reconnaître que, comme d'autres, je l'avais lue un peu trop rapidement et surtout avec en arrière-pensée permanente la condamnation dont son auteur fut l'objet, une condamnation, qui, si ma mémoire est exacte, ne concernait pas les 450 pages du livre, mais certains passages mettant en cause Raymond et Lucie Aubrac.
J'ai souhaité, dans le cadre de ce débat, reprendre le livre avec une distance critique et sans (trop !) d'a-priori.
Si le très opportuniste "mémoire" rédigé par un Barbie téléguidé par son avocat et remis à la justice en juillet 1990 par un Jacques Vergès désireux de créer le trouble dans les rangs des résistants survivants et chez les parties civiles ne peut être considéré comme un élément sérieux sur le plan historiographique, ce livre, même s'il s'appuie en partie sur ce document, n'est pas entièrement à jeter. Je trouve qu'il comporte des éléments intéressants et des pistes qui méritent d'être suivies mais qui furent expédiées en trois lignes à l'époque par une critique peu soucieuse de décortiquer un livre fouillé et un peu fouilli. Il ne faut pas oublier que Chauvy fut et reste un bon spécialiste de l'histoire de la Résistance, malgré cette énorme gaffe due à une erreur de jugement d'ailleurs bien étonnante pour un connaisseur ded faits tel que lui...
Son erreur fut d'avoir pris au sérieux le "mémoire" commandité par Vergès à un homme, son client qui restait un nazi n'ayant jamais renié son engagement idéologique et qui allait tout tenter pour continuer son travail de pourrissement commencé 46 ans auparavant mais avec d'autres moyens...
Certes, en choisissant d'enquêter sur les déclarations, il est vrai parfois imprécises, voire sur les contradictions d'un couple aussi idéalisé et emblématique pour la mémoire de la Résistance, Chauvy était assuré :
1) d'attirer l'attention
2) d'être lu à la virgule près
et 3) d'être suspecté de visées hostiles... Il allait avoir des ennuis.
Ce que je ne comprends pas, c'est qu'il n'avait pas besoin de ce "mémoire" opportuniste de Barbie pour relancer le débat sur les responsabilités POLITIQUES de certains chefs de la Résistance à Lyon durant l'année 43, car c'est bien cela qui nous intéresse, et non pas, comme l'ont répété des perroquets abrutis, la solution d'une énigme policière en soi.
Et sur cette dimension, comme sur le rôle de certains des responsables de mouvements dont les faits et gestes étaient connus par la Gestapo et l'Abwehr depuis des mois - par des taupes, des agents retournés et surtout des saisies d'archives très importantes, comme celles effecutées dans la cache d'Henry Frenay chez les Gouze à Mâcon et que Barbie lut avec attention - son livre contient des éléments dignes d'intérêt.
Je reviendrai dans les jours qui suivent sur certains points précis, car j'ai besoin de relire d'autres chercheurs ayant planché sur la même période et les mêmes protagonistes.
Donc, à bientôt et bien cordialement,
René Claude |