> Bonjour, Nicolas,
Re-salut !
> Prétendre d'emblée qu'Alain Michel a repris des «
> énormités » est forcément excessif.
Ah ? Simple exemple (qui va raviver certains souvenirs aux lecteurs de l'escroc Boisbouvier) :
"s'il est bien évident que les nazis avaient besoin de l'administration française, c'était le cas également dans tous les pays occupés et la question était réglé par la Convention de La Haye de 1909 : l'administration d'un territoire occupé était tenue d'obéir à l'autorité de fait, c'est à dire les occupants". Une
foutaise juridique de première grandeur, démentie d'ailleurs par l'Histoire - car si tel était le cas, pourquoi les Allemands n'ont-ils pas simplement réquisitionné la police française en 1942 (
voir également le cas belge) ?
> Tu peux n'être pas
> d'accord avec lui, mais une thèse en Sorbonne sur les
> éclaireurs israélites pendant le seconde guerre mondiale,
> quelques travaux sur des sujets connexes, six ans à Yad
> Vashem lui ont normalement donné un bagage suffisant pour
> ne pas écrire trop d'énormités.
"Pas trop d'énormités", donc il en écrit ? ;-)
Blague à part, je me fiche de son C.V., je ne me préoccupe que de ce qu'il écrit. Je me débrouillerai pour avoir son bouquin d'occasion (comme celui de Boisbouvier, acquis à une poignée d'euro). Quoique je manque de temps pour les cinq prochaines années. :-/
En ce qui me concerne - et je l'ai toujours écrit - Vichy mène une politique antisémite qui ne serait peut-être pas allée aussi loin que le
Reich, qui révèle des spécificités, et qui découle à la fois de considérations idéologiques, de la prise en compte des données géopolitiques, et, dans ce cadre, d'un souci de complaire à l'occupant, d'acheter son soutien, sa protection, son indulgence en faisant de la "question juive" une monnaie d'échange. Ladite politique soumet à une logique différenciée les Juifs étrangers et les Juifs français, même si ces deux catégories sont vouées à être rigoureusement séparées de la société civile.
Je rejoins Alain Michel sur la nécessité de tenir compte de la chronologie et de l'espace territorial, mais les considérations qu'il distille m'évoquent incontestablement la prose des courants vichystes (et je me la suis coltinée de manière quasi-exhaustive).
> Même si tu n'es pas d'accord, j'imagine que tu
> reconnaitras comme légitime la démarche revendiquée,
> consistant à séparer Histoire et jugement moral. («...
> Cette manière d'agir, écrit-il dans la conclusion, qui
> repose sur le racisme et la xénophobie, est condamnable
> sur le plan de l'éthique, mais qu'en est-il de
> l'efficacité ?»)
Et ce faisant, cet individu sombre dans le jugement moral, puisque faisant appel à une pseudo-éthique de la responsabilité...
> Le compte-rendu d'Oberg du 2 septembre est cité
> intégralement (pp.248-249) par l'auteur qui n'imagine même
> pas que l'on puisse faire prouver au texte quoi que ce
> soit sur les intentions de Laval, mais qui conteste
> l'interprétation dominante, à savoir que Laval aurait été
> sensible à l'opinion publique et aux réactions des
> églises.
Extrait du compte rendu (cité dans Serge Klarsfeld,
Vichy-Auschwitz. La Solution finale de la Question juive en France, Fayard, 2001 p. 179-180) :
"Le Président Laval a expliqué que les exigences que nous lui avions formulées concernant la question juive s'étaient heurtées à une résistance sans pareille de la part de l'Eglise. Le chef de cette opposition anti-gouvernementale était en l'occurrence le Cardinal Gerlier. Eu égard à cette opposition du Clergé, le Président Laval demande que, si possible, on ne lui signifie pas de nouvelles exigences sur la question juive. Il faudrait en particulier ne pas lui imposer a priori des nombres de Juifs à déporter. On avait par exemple exigé que soient livrés 50.000 Juifs pour les 50 trains qui sont à notre disposition. Il nous prie de croire à son entière honnêteté quand il nous promet de régler la question juive mais, dit-il, il n'en va pas de la livraison des Juifs comme de la marchandise dans un Prisunic, où l'on peut prendre autant de produits que l'on veut toujours au même prix..."
Effectivement, c'est équivoque.
Par ailleurs, Laval était si peu préoccupé de la réaction des Eglises qu'ira jusqu'à convoquer un représentant du nonce apostolique à la fin août 1942, Mgr. Rocco, pour lui tenir à peu près ce langage : il s'oppose à toute intervention de l'Eglise catholique dans les affaires intérieures de l'Etat français, et si le Clergé persiste à cacher des Juifs, Laval menace de lui expédier la police se saisir de ces réfugiés. Pour finir, il s'étonne devant Rocco que l'Eglise manifeste une telle opposition, dans la mesure où les actions antisémites n'ont rien de nouveau pour elle (et Laval de faire allusion à l'ancien signe distinctif antijuif du bonnet jaune). De fait, à la suite de cet entretien, Laval fera procéder à des arrestations de prêtres - sur cette réaction de Laval, voir... Raul Hilberg,
La Destruction des Juifs d'Europe, Gallimard, tome 2, 1991, p. 554.