Bonjour,
Le livre que EdC nous invite à découvrir - et nous l'en remercions -, me fournit le prétexte pour reproduire un message de Henry ROUSSO à propos de la phrase de Léon POLIAKOV : Du sort relativement plus clément de la communauté juive de France, Vichy fut, en fait, le facteur prépondérant (Bréviaire de la haine, p. 211) Cette phrase fut très largement commentée sur notre site et reprise plus tard sur le forum de François Delpla.
En novembre dernier, Michel Boisbouvier sollicita l'avis de Henry Rousso. La réponse de l'historien publiée telle qu'elle fut publiée sur le forum de François : Tout d'abord, un livre d'histoire recèle une unité, qui tient à son contexte. Ce n'est pas juste une base de données qui s'actualise au gré des recherches. Le livre de Poliakov, même dans ses rééditions, doit plus être aujourd'hui considéré comme un document que comme une référence.
Ensuite, pour être plus complet sur son jugement sur Vichy, il faut aussi lire ce qu'il dit au chapitre 2, et qui est quelque peu en contradiction avec le passage que vous citez. En réalité, il lui manque beaucoup d'éléments qui lui font répéter la vulgate de l'époque, dite aussi bien à Nuremberg qu'au procès Eichmann : "Vichy a sacrifié les juifs étrangers pour sauver les juifs Français", idée reprise par Hilberg dont le chapitre sur la France est mauvais et ignore en grande partie les recherches de Klarsfeld.
Or cette assertion est fausse. Vichy a repéré, fiché, volé et exclu les juifs français comme étrangers (les lois, qui ont aggravé considérablement leur sort) puis a accepté de livrer les juifs étrangers lors du lancement de la Solution finale en France, les Allemands ayant décidé de procéder par étapes et n'exigeant alors ni les juifs Français, ni les moins de 16 ans (sur ce dernier point, Vichy a fait du zèle puisqu'il a livré les enfants). Puis, devant les réactions d'hostilité de la population et du clergé, il a reculé, en avril 1943, devant une livraison massive des juifs français via une dénaturalisation massive exigée des Allemands qui voulait accélérer le processus. Il s'agissait d'un choix politique et non d'un choix humanitaire. L'occupation s'étant globalement terminée à compter de l'été 1944, les juifs français ont été épargnés par comparaison à d'autres communautés. Les raisons pour lesquelles le taux de mortalité est beaucoup plus bas qu'ailleurs tient autant aux choix tactiques de Allemands (et à leur manque de temps - cf la Hongrie) et à des circonstances autres (grand pays, protections nombreuses, éparpillement des familles après l'exode, la zone italienne, faiblesse des effectifs policiers, etc.) qu'aux choix politiques de Vichy, excepté, c'est vrai, l'existence provisoire d'une zone libre, laquelle disparaît à peine quelques mois après le début des déportations (sur ces questions, je vous renvoie à mon ouvrage Le Régime de Vichy, en QSJ ?, mais que vous connaissez déjà.) Bien cordialement,
Francis.
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