Allégations déjà réfutées - Vichy dans la "Solution finale" - forum "Livres de guerre"
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Edition du 11 janvier 2010 à 12h22

Vichy dans la "Solution finale" / Laurent Joly

En réponse à -26 -25 -24 -23 -22 -21 -20 -19 -18 -17 -16 -15 -14 -13 -12 -11 -10 -9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2
-1Un coup politique superbe ! de Boisbouvier

Allégations déjà réfutées de Nicolas Bernard le lundi 11 janvier 2010 à 12h07

Comme toujours, l'ex-anonyme ne tient pas compte des réfutations qui lui sont postées et recycle ses mêmes "erreurs" grossières comme si de rien n'était.

Qu'on en juge.




> Vous me fournissez l'occasion rêvée de démontrer par quel
> moyen Vichy parvint à tenir en lisière les exigences
> allemandes en matière de déportation des juifs de France
> (et pas seulement des Juifs français).

L'ex-anonyme se borne à répéter une affirmation maintes fois explosée, selon laquelle Vichy aurait sauvé les Juifs de France...

Il est essentiel de rappeler que, selon lui, il est héroïque de sacrifier des Juifs étrangers pour - prétendument - "sauver" des Juifs français (en fait, les deux catégories étaient destinées à être raflées/internées/déportées par les Allemands et Vichy), ce qui, de la part de l'ex-anonyme, ne saurait surprendre compte tenu de ses sympathies idéologiques.




> En obtenant de Heydrich d'abord (en mai 42) et d'Oberg et
> de Knochen ensuite (en juin et en août 42) que la police
> française de zone occupée cesse d'obéir au-to-ma-ti-que-
> ment à l'autorité d'occupation,

L'ex-anonyme répète, comme d'habitude, une affirmation totalement inexacte, ce qui m'oblige à effectuer quelques rappels.

Tout d'abord, la police française n'était pas tenue d'obéir "au-to-ma-ti-que-ment" à l'occupant, ce dernier, en vertu des stipulations combinées de la Convention de La Haye de 1907 et de la convention d'armistice, ne pouvant utiliser directement l'administration d'un pays occupé que dans l'unique hypothèse du maintien de l'ordre et de la sécurité de ses propres troupes, et dans la mesure du possible sans violer la législation du pays occupé.

C'est ainsi qu'une directive de l'O.K.H. n° 800/40 du 22 août 1940 précisait que "toute l'activité de l'administration militaire sera guidée par ce principe que seules les mesures destinées à l'occupation militaire du pays devront être prises. Par contre, il n'est pas du ressort de l'administration militaire de s'immiscer dans les affaires de politique intérieure française, pour l'améliorer. Pour prendre toutes les mesures administratives qu'elle sera appelée à prendre, l'administration militaire devra emprunter, par principe, le canal des autorités françaises."

Ce qui n'a pas empêché cette même administration militaire de prendre une série d'ordonnances censées exclure les Juifs de la société française en zone occupée. Cependant, une telle intervention violait totalement le Droit international et la convention d'armistice : Vichy aurait donc pu en profiter pour s'y opposer, inviter ses préfets et ses policiers à mettre des bâtons dans les roues de l'occupant. Or, non seulement l'Etat français n'en a rien fait, mais encore a collaboré avec zèle avec cette politique, mettant au point sa propre législation antisémite, mettant à la disposition de l'occupant un fichier recensant les Juifs, recensant les entreprises juives avec enthousiasme - voir mon article.

Cette attitude complaisante du régime de Vichy a considérablement satisfait les Allemands, dans la mesure où ils s'étaient mis à craindre que leurs propres mesures antisémites ne leur attire les foudres de l'opinion publique française, à laquelle ils attachaient une grande importance. De fait, le 30 janvier 1941, au cours d'une conférence entre responsables du R.S.H.A. en France et de l'armée à propos de la Judenfrage, l'adjoint du Représentant du Sipo-S.D. en France, le S.S.-Sturmbannführer Lischka, définit le domaine d'action des autorités allemandes en matière d'antisémitisme : "Il convient de laisser aux Français le soin de régler la suite, afin d'éviter dans ce domaine la réaction du peuple français contre tout ce qui vient des Allemands. Aussi bien les services allemands s'en tiendront-ils à faire des suggestions."

Cette orientation de la stratégie nazie a pour conséquence, au printemps 1941, une première rafle antisémite. En mai 1941, par l'intermédiaire de l'ambassade allemande en France, les S.S. demandent et obtiennent de Vichy que les Juifs étrangers de zone occupée soient parqués dans des camps, comme tel est le cas en zone "libre", ce en vertu de la loi - vichyste - du 4 octobre 1940 sur "les ressortissants étrangers de race juive", que le régime a déjà mise en pratique en zone "libre", arrêtant et internant les Juifs étrangers de ladite zone ! Vichy accepte et coopère sans difficulté, arrêtant et internant dans ses propres camps 7.000 Juifs.

Toutefois, le S.S. Dannecker, chargé des affaires juives en France au nom du R.S.H.A., tente de procéder à d'autres rafles à partir d'une lecture élargie de la convention d'armistice, qui autorise comme on le sait l'administration à réquisitionner les forces de l'ordre dans l'hypothèse très stricte de mesures tendant à la sécurité de ses propres troupes. Dannecker élabore donc un prétexte qui consiste à réprimer le terrorisme communiste, prétendue résultante d'une conspiration juive, ce prétexte étant destiné à amadouer l'armée, qui approuve, et Vichy, qui, informé après ces deux opérations, approuve aussi.

Dans ces conditions, 4.232 Juifs sont arrêtés à Paris entre le 20 et le 23 août 1941, ce qui glace l'opinion publique française. Le 12 décembre 1941, nouvelle rafle, au motif de représailles contre des attentats de la Résistance, puisque conformément à la manipulation de Dannecker il s'agit de faire porter le chapeau aux "fauteurs de guerre internationaux" qu'étaient les Juifs : 743 Juifs masculins sont arrêtés par 460 agents allemands aidés de la police française, 300 autres Juifs sont saisis à Drancy, et un total de 1.043 Juifs sont envoyés au camp de Compiègne.

Mais un tel prétexte ne peut continuellement servir. L'opinion publique française est réticente. L'armée allemande elle-même y trouve à redire. Le chef de l'armée d'occupation en France, le général Otto Von Stülpnagel, écrivait ainsi le 15 janvier 1942 : "Quant aux représailles massives, je ne puis plus, du moins pour l'instant, et dans les circonstances présentes, m'y résoudre en conscience, ni en accepter la responsabilité directe devant l'Histoire en considération de la situation générale et des répercussions de mesures si rigoureuses sur l'ensemble de la population et sur nos rapports avec la France." Stülpnagel poursuivait : "A l'heure actuelle et jusqu'en février ou mars 1942, des difficultés de transport s'opposent aux déportations de communistes et de Juifs vers l'Est qui ont déjà été décidées... Dans cette situation, je ne peux plus procéder à d'autres arrestations et internements en nombre important." Le général allemand n'en précisait pas moins : "A titre de mesures de représailles, j'estime opportun le transfert éventuel à destination de l'Allemagne ou des territoires de l'Est d'un certain nombre de communistes et de Juifs déjà internés, dans la mesure où ce transfert est pratiquement réalisable et où il est conforme aux exigences de la Sicherheitspolizei. Une telle mesure serait certainement d'une grande efficacité générale."

De sorte que, Dannecker lui-même, le 22 février 1942, constate que "quoiqu'une partie de la France soit occupée, il ne serait pas possible d'y agir avec les mêmes procédés et à la même allure qu'en Allemagne".

Bref, réquisitionner la police française pour procéder à des rafles antisémites constituait une violation caractérisée de la convention de La Haye de 1907 et de la convention d'armistice, outre de heurter l'opinion publique française, et, à la longue, d'irriter l'administration militaire. Pris dans leur globalité, ces éléments militaient contre une réquisition directe de la police française. Il fallait donc, plus que jamais, obtenir l'accord de Vichy pour effectuer ces opérations, ce qui ne poserait pas de difficulté, Vichy ayant approuvé et organisé la première rafle de mai 1941, outre d'avoir déjà manifesté sa volonté affirmée de collaborer en matière d'action antijuive, au point qu'il ne s'était pas opposé aux rafles d'août et décembre 1941.

Tous ces faits, ces documents, ont déjà été produits à l'ex-anonyme. Qui n'en tient aucun compte. Pas de surprise.




> Bousquet a réussi un vrai
> coup de maitre

L'ex-anonyme répète une allégation déjà réfutée.

Comme rappelé ici, les S.S. étaient résolus, au printemps 1942, à collaborer avec la police française, et non à en prendre directement le contrôle, et ce avant même de rencontrer Bousquet. Ce dernier, en obtenant des Allemands qu'ils ne remettraient pas en cause l'indépendance de la police française, n'a fait qu'obtenir une concession que ces derniers étaient déjà disposés à lui accorder.

Comme je l'ai rappelé ici, Bousquet, dès sa première rencontre avec Heydrich en mai 1942, non seulement a approuvé le principe de la déportation des Juifs étrangers de zone occupée déjà internés, mais encore a demandé à ce que soient également déportés les Juifs étrangers internés en zone "libre".

Dès lors, Vichy a bel et bien accepté le principe d'une collaboration policière, mais veut partager les tâches, s'agissant des Juifs qui n'ont toujours pas été internés : les rafles devront être effectuées par les Allemands en zone occupée, et par Vichy en zone "libre", outre que devront être majoritairement déportés les Juifs étrangers. Ces deux considérations (laisser aux Allemands le sale boulot en zone occupée, et leur livrer des Juifs étrangers) résultent d'une prise en compte, par Vichy, de l'opinion publique française, réputée à tort ou à raison plus hostile aux Juifs étrangers.

Le fait, pour les Allemands, d'avoir à procéder eux-mêmes aux rafles en zone occupée, leur déplaît, car ils manquent de moyens. Aussi les négociations traînent-elles, jusqu'à ce que, le 2 juillet 1942, Vichy, par la voix de Bousquet, se range à l'avis des S.S. : la police française arrêtera en conséquence les Juifs des deux zones. En échange, les Juifs français seront provisoirement épargnés. Selon une note du conseil des ministres de Vichy du 3 juillet 1942, "le Maréchal estime que cette distinction est juste et sera comprise par l'opinion".

Le marchandage est donc réalisé : seront notamment livrés aux Allemands par les Français 10.000 Juifs de la zone "libre" (déjà promis le 16 juin 1942...) et 20.000 Juifs parisiens. Pour meubler les quotas, Vichy y ajoute les enfants, et réfléchit à dénaturaliser des Juifs français.

Cette première phase des déportations ne visait que les Juifs étrangers, mais il était acquis des deux côtés que les Juifs français devaient subir le même sort.




> car, désormais, pour arrêter-déporter-assassiner les
> Juifs, les Nazis, représentés à Paris par les chefs SS
> Oberg et Knochen devront passer des accords préalables
> avec le gouvernement de Vichy et plus spécialement avec
> Laval ministre de l'Intérieur et principal ministre.

La thèse de l'ex-anonyme est saisissante : les Allemands étant contraints, par accord conclu avec Vichy, de passer par Vichy, ils ne pouvaient plus s'opposer efficacement, sur un plan juridique, à une imaginaire politique d'obstruction de l'Etat français... sous peine de violer cet accord.

En réalité, les Allemands avaient effectivement besoin de Vichy, mais pour des raisons pratiques : Vichy seul bénéficiait des ressources policières leur permettant de procéder aux rafles, et il était plus avantageux, vis-à-vis de l'opinion, d'y mêler la police française.

Ils ne se sentaient nullement liés par les accords policiers conclus avec Vichy, qu'ils ont d'ailleurs allègrement violés.




> Or, que voit-on alors ?
> On voit ce même Laval tant vilipendé, tant haï, tant
> maudit pourtant, refuser à plusieurs reprises les
> demandes de dénaturalisations ou d'arrestations des
> autorités allemandes.

Allégation maintes fois répétée, maintes fois réfutée : comme je l'ai rappelé, Vichy ne tient pas, tout d'abord, à livrer en premier lieu des Juifs français (leur tour viendra plus tard), et préfère refiler aux Allemands des Juifs étrangers, y ajoutant leurs enfants (que les Allemands ne demandaient même pas !), et réfléchissant - ce d'ailleurs depuis 1940 - à dénaturaliser des Juifs français pour gonfler les quotas exigés par les Allemands.

Mais à la suite des protestations de l'opinion publique et de l'Eglise à l'encontre des rafles de Juifs étrangers (protestations que Laval tentera d'abord de juguler), Vichy fait machine arrière sur ce point, non sans aller jusqu'au bout de sa promesse de rafler/interner/déporter des Juifs étrangers (voir l'article référencé ci-contre).

Par la suite, comme l'a révélé Serge Klarsfeld (Vichy-Auschwitz, op. cit.) Bousquet s'efforce de procéder à d'autres dénaturalisations dans le cadre de négociations avec les Allemands tendant à obtenir davantage de concessions sur sa police, mais les défaites militaires allemandes doucheront l'enthousiasme de Laval, qui ne se résoudra à abandonner les dénaturalisations qu'à la suite de la chute de Mussolini, en juillet 1943.

Bref, l'ex-anonyme se moque allègrement de la chronologie, du contexte et, pour tout dire, de la réalité.




> On voit Eichmann s'irriter contre Röthke, successeur de
> Dannecker en tant que son correspondant à Paris car il ne
> parvient pas à tenir les quotas.

Même constat que précédemment. Cette allégation a, en effet, déjà été réfutée : la colère d'Eichmann ne date que du 14 juillet 1942, avant les rafles de l'été 1942, et résulte de l'annulation d'un convoi due à l'incompétence de l'un de ses représentants, Röthke, et qui ne doit rien à une fantasmatique obstruction vichyste.




> On voit Oberg se plaindre à Himmler des embarras que lui
> cause Vichy pour ces déportations que Vichy refuse
> d'effectuer et qu'il ne peut plus effectuer lui-même.

Eh oui : sans Vichy, Oberg avait les mains liées. Vous venez donc de vous tirer une balle dans le pied.

Par ailleurs, comme indiqué ci-dessous, Oberg ne pouvait faire mieux que tenir compte des difficultés considérables rencontrées... par Vichy avec le peuple français, qui avait manifesté son hostilité aux rafles de l'été 1942.




> On voit Himmler renoncer à déporter les juifs
> français "pour le moment".

Là encore, retour à la réalité. Cette décision, datant de la fin septembre 1942, ne se limite qu'aux Juifs français - et n'est que provisoire. Elle conduit les Allemands - et Vichy - à mettre l'accent, cet automne, sur les rafles de Juifs étrangers qui n'ont pas été arrêtés au cours de l'été.

Himmler tient compte du fait que Vichy a été mis en difficulté à la suite des protestations de l'opinion publique française et de l'Eglise. Laval avait tenté de juguler cette mauvaise réaction, sans succès, d'où son recul. C'est bien le peuple français qui a fait reculer Vichy, et Himmler.

Cette décision de Himmler est la preuve irréfutable qu'une résistance de Vichy aux exigences allemandes en matière de déportation des Juifs aurait été couronnée de succès.





> Rien de tout cela n'aurait été possible pour la zone
> occupée d'abord et pour les deux zones ensuite, si le
> coup de maitre de Bousquet ne s'était pas produit au
> printemps 42. La police de zone occupée aurait, en 42-43-
> 44, obéi au-to-
> ma-ti-que-ment à l'autorité d'occupation comme elle
> l'avait fait jusque-là.

Faux - voir ci-dessus.




> Comprenez-vous maintenant pourquoi, à Jacques Attali qui
> lui demandait "Comment pouvez-vous fréquenter un tel
> homme (Bousquet)?", Mitterrand a répondu "Ceux qui n'ont
> pas connu (ou vécu ?) cette époque ne peuvent pas
> comprendre. La moitié des gens avec qui vous avez diné ce
> soir doivent à Bousquet d'être encore en vie" ?

C'est l'une de ces phrases qui poussera Attali à déclarer par la suite : "cela met en perspective cette distance que j'ai moi-même pris à l'égard de M. Mitterrand".



> En cassant l'automatisme, Vichy a réussi un coup
> politique superbe.

Comme rappelé plus haut, c'est le peuple français qui a cassé l'automatisme, pas Vichy, qui au contraire était résolu à se débarrasser des Juifs.

*** / ***

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