> Nul besoin pour un occupant de disposer de forces de
> police qui lui soient propres, car il dispose entièrement
> de celles du pays qu'il occupe. C'est dommage mais c'est
> ainsi.
Mais alors... pourquoi les nazis ont-ils perdu leur temps à négocier l'appui de la police française ? Ils voulaient profiter de Paris et des "jolies mademoizelles" ?
> En Pologne, par exemple, mais aussi ailleurs (en Grèce, à
> Salonique) il n'utilisa même pas la police du pays mais
> les organisations juives elles-mêmes de ces pays.
La situation des Juifs en Pologne et à Salonique ne présente aucune espèce de rapport avec la France. Les Juifs de Pologne sont particulièrement vulnérables, ayant tous été regroupés dans des ghettos dès l'automne 1939, et face à un appareil répressif allemand bien plus dimensionné qu'en France. A Salonique, les Juifs sont concentrés en un point duquel il leur est difficile de s'échapper.
La France relève d'une réalité géographique et d'une logique politique différentes. A l'inverse de la Pologne, les Allemands ont consenti à ce que s'y maintienne un gouvernement national, lequel chapeaute une zone "libre". En effet, Hitler, vis-à-vis de la France, doit afficher une relative modération pour montrer aux Occidentaux qu'il ne cherche pas à détruire l'Occident. A ce titre, il n'est pas dans l'intention des Allemands d'annexer la France, alors que pour eux la Pologne a cessé d'exister en tant qu'Etat, et bientôt en tant que nation, puisque promise à devenir une terre de colonisation. Notre pays n'en doit pas moins devenir un Etat satellite, dont les ressources seront pillées.
Bref, il est inepte de tenter de comparer la France à la situation de l'Europe orientale, dans la mesure où les ambitions nazies, sur lesquelles se calque la politique du Reich, sont différentes d'une aire d'occupation à l'autre. A tous points de vue, le régime de Vichy permettait aux Allemands de faciliter la politique d'occupation, que ce soit en termes économiques ou raciaux, dès lors que ce gouvernement d'extrême droite se révélait encore plus royaliste que le roi en matière de "question juive", tout en se mettant au service de l'occupant au nom d'une conception pro-allemande de l'Europe nouvelle.
Dans cette logique, les Allemands ne peuvent se permettre, en 1942, de jeter le masque et de passer à une administration directe du pays. S'agissant de déporter les Juifs, ils ont besoin de l'Etat français, pour donner à la déportation un visage hexagonal, et éviter ainsi que les foudres de l'opinion publique ne s'abattent directement sur eux. Ils n'ont d'ailleurs aucune raison de chercher à forcer Vichy, sachant que l'Etat français se révèle des plus antisémites. Pourquoi donc brusquer un tel allié quand, en négociant, on peut l'amener à être encore plus zélé ? Comme l'avait déclaré Hitler le 1er août 1939, "il y a deux choses qui peuvent unir les hommes : les idéaux communs et la criminalité partagée". En l'espèce, l'Allemagne et Vichy partageaient, déjà, un idéal commun. Il ne manquait plus qu'à partager la criminalité. Des obstructions vichystes pouvaient, au contraire, gêner l'action de l'occupant, qui n'aurait pu se servir avec la même facilité de l'administration nationale.
> Un homme à qui on dit si tu ne donnes pas sept de tes
> congénères demain matin, c'est toi et tes enfants qui
> partent... qu'est-ce qu'il fait d'après vous ?
En l'occurrence, l'homme dont vous prenez la défense me paraît avoir livré sans état d'âme à des nazis des individus qui ont demandé asile chez lui, au prétexte qu'il devait protéger ce qu'il qualifiait de congénères (dont il n'empêchera finalement pas l'élimination, puisque 24.000 Juifs français seront supprimés).
Il me paraît utile de rappeler que cet homme s'est efforcé d'ôter à ces étrangers et congénères tous leurs droits civils, de pratiquer à leur égard la ségrégation, de les ficher, de leur arracher leurs biens, et ce avant même qu'on ne lui demande quoi que ce soit à ce titre. Par ailleurs, cet homme ne s'est pas contenté de livrer d'autres hommes, mais a entrepris de les parquer dans des camps insalubres, en les méprisant, en les rabaissant, en les humiliant, et en séparant les parents de leurs enfants pour les livrer ensuite par plusieurs vagues sans se préoccuper de leur sort. |