Je constate que vous laissez des pans entiers de mes articles sans réponse. Je constate également que vous laissez bien des questions que je vous pose sans réponse.
> Nous y sommes et vous apportez des verges pour vous faire
> fouetter.
> Vous reconnaissez magistralement, et au-delà de ce que je
> pouvais espérer de votre part, que la soi-disant fiction
> de la souveraineté de Vichy avait une utilité et qu'elle
> exerçait un certain empire.
Bis repetita : la fiction de la souveraineté de Vichy avait une utilité...
pour les Allemands !
Un gouvernement d'extrême-droite collaborateur, littéralement obsédé par l'idée de plaire à l'occupant, est
nécessairement plus avantageux pour ledit occupant que l'administration directe du pays, dans la mesure où il facilite la prise en main dudit pays, au nom de l'axiome selon lequel une administration nationale est davantage encline à obéir à son propre gouvernement qu'à un occupant étranger.
> Encore fallait-il que Vichy s'en serve, de cet empire, et
> c'est bien ce qu'il a fait quand il a, par les habiles
> négociations du 7 mai 42 avec Heydrich et du 2 juillet 42
> avec Oberg et Knochen (qu'il faut mettre à l'actif de
> Bousquet, principalement) empêché Eichmann de remplir ses
> trains et Oberg de fournir les quotas réclamés par
> Himmler.
Entièrement faux.
1) Vichy mène, dès 1940, une politique de fichage, de ségrégation, d'exclusion envers les Juifs - français et étrangers - et ce sans même que les Allemands ne le demandent ;
2) Vichy légitime ses mesures antisémites en pratiquant une distinction entre Juifs français et Juifs étrangers, de manière à s'attirer le soutien de l'opinion en attisant sa xénophobie latente à l'encontre des seconds (et, par contre-coup, des premiers) ;
3) Vichy envisage également d'expulser les Juifs étrangers du territoire métropolitain, le cas échéant en Algérie, en attendant de procéder au traitement adéquat des Juifs français (Vichy tient en effet compte de l'opinion publique, réputée, à tort ou à raison, plus hostile aux Juifs étrangers) ;
4) en 1942, les demandes allemandes de contribuer à la déportation des Juifs de France offrent à Vichy l'opportunité de se débarrasser des Juifs étrangers, et même de monnayer aux Allemands leur expulsion dans le cadre de négociations d'ordre plus global ;
5) les Allemands n'envisagent alors que de déporter les Juifs adultes ;
6) Vichy, qui n'a pas protesté contre les précédentes déportations de Juifs français par les Allemands, refuse initialement de participer aux rafles de Juifs en zone occupée, et envisage de limiter ses prestations policières à la zone "libre", avant de céder sur ce point et d'envisager une collaboration à l'échelle des deux zones ;
7) en échange, Vichy obtient des nazis que seront prioritairement déportés, à partir des deux zones, les Juifs étrangers ;
8) la déportation des seuls Juifs étrangers, cependant, ne suffit pas à remplir les quotas exigés par l'occupant, et Vichy décide d'y ajouter les enfants des Juifs arrêtés et déportés ;
9) pour meubler les quotas des phases suivantes de la déportation, Vichy prévoit également de revenir sur la naturalisation des Juifs français, à partir de 1933 d'abord, puis à partir de 1932, et enfin à compter de 1927 ;
10) les rafles s'effectuent donc en juillet 1942, grâce à la police française, et les Juifs des deux zones sont, dans l'attente de leur déportation, parqués dans des camps d'internement inhumains ;
11) l'opinion publique française, de même que les Eglises, sont scandalisées par ces rafles, et le font immédiatement savoir au cours de l'été ;
12) de sorte que dès le mois de septembre 1942, Vichy, qui ne s'attendait pas à pareille protestation, est contraint, non pas de faire machine arrière (les Juifs arrêtés seront déportés), mais de remettre en cause sa politique d'organisation des rafles, et notamment de temporiser sur les processus de dénaturalisation des Juifs français, malgré les pressions en ce sens du Commissariat général aux Questions juives ;
13) cette prudence de Vichy, largement tributaire de l'opinion publique, l'était aussi du contexte diplomatique, car le gouvernement Laval sera bien près de céder aux pressions des Allemands et du C.G.Q.J. pour procéder aux dénaturalisations : la loi portant sur la dénaturalisation des Juifs français bénéficiant de la nationalité française depuis 1927 sera signée en juin 1943, mais sa promulgation sera enterrée en juillet 1943, après la confirmation de la défaite allemande de Koursk et la chute de Mussolini.
> Que "de toutes les grandes communautés juives de l'Europe
> occupée, la française ait été la mieux préservée" est si
> vrai que quelqu'un d'important l'a dit.
> Savez-vous qui ?
> Je vous le donne en mille : Klarsfeld.
> Oui, monsieur !
Klarsfeld ne précise pas que cette préservation est l'oeuvre de Vichy. Au contraire, écrit-il,
"Vichy a contribué efficacement à la perte d'un quart des juifs de France" (
Vichy-Auschwitz. La Solution finale de la Question juive en France, Fayard, 2001 p. 368), et
"les Français ont puissamment aidé au salut de trois quarts des juifs de France" (
op. cit., p. 369).
J'ai déjà produit cette citation dans un message que vous avez lu, puisque vous y avez répondu. J'en déduis que vous saviez que votre propre citation (non référencée) de Serge Klarsfeld ne revêtait nullement la signification que vous lui accordiez. Ce qui ne vous a pas empêché de la produire.