Bonsoir,
Le texte de Laurent Lemire - celui du 11 mai 2009 - me semble assez bien résumer une vilaine querelle qui n'honorent pas la communauté des historiens universitaires.
Que reproche-t-on au Père Patrick Desbois ? Je ne retiendrai que l'aspect "médiatisation" ou c'est la faute à ... (en reprenant les termes de Lemire)
...l’extraordinaire médiatisation" de son enquête menée en Ukraine. - une médiatisation inadéquate et une dérive sensationnaliste induite par la mise en scène médiatique de l’une des pages les plus sombres de l’histoire de l’humanité...
La médiatisation ? C’est-à-dire l’audience, voire le succès d’un homme, mais surtout d’un travail porté à la connaissance du plus grand nombre au détriment de celui des autres.
Et de poser la question : "Pourquoi les historiens professionnels parviennent peu à vulgariser leurs travaux ? "
Question que Ingrao et Solchany ne se posent pas.
S’il est vrai que des historiens ont travaillé depuis des années sur le sujet, on ne peut nier – et les auteurs d’ailleurs ne le font pas – que ces événements restaient peu connus et n’avaient jusqu’alors pas dépassé la sphère des amateurs d’histoire sans jamais toucher le grand public.
Effectivement, le livre de Desbois est à la portée du plus grand nombre. Inversement, il est vraisemblable que Cartea Neagra - Le livre noir de la destruction des Juifs de Roumanie, de Matatias Carp, traduit du roumain et annoté par Alexandra Laigniel-Lavastine n'intéressera pas le grand public.... n'en déplaise à la traductrice.
Posez la question à votre entourage "Qu'est-ce que les Einzatzgruppen ?" Je vous parie un ballottin de chocolat belge que pas plus de un sur dix pourra répondre [*]
Après la lecture de l'ouvrage du Père Desbois - et je m'imagine ne pas être le seul à souhaiter en savoir plus - j'ai notamment fait l'acquisition du livre de Christopher Browning, Des hommes ordinaires et probablement aussi (il me semble) celui de Peter Longerich, Nous ne savions pas.
Bref, on doit aussi admettre qu’elle [la médiatisation] a parfois amélioré la connaissance d’un sujet en suscitant la curiosité du public qui, pour s’informer davantage, achète les livres des historiens...
N'est-ce pas l'essentiel ?
Quant aux autres reproches injustifiées, François Delpla et Edouard Husson y répondent beaucoup mieux que je ne pourrais le faire.
Bien cordialement,
Francis.
[*] Dans le même ordre d'idée, j'ai posé la question, il y a peu, à une enseignante "histoire/géo" dans le secondaire (premier cycle) : "Connaissez-vous Mandel ?"
La réponse : euh... ce nom ne m'est pas inconnu mais je ne vois pas qui c'est ! |