Les théoriciens du complot présentent la fâcheuse habitude de déformer le contenu des références par eux citées. C'est ainsi que le néo-nazi Joseph Bellinger, pour prétendre que Himmler a été battu à mort par les Britanniques, va jusqu'à voir sur les photographies du cadavre des blessures imaginaires. M. Delpla avait également
déformé le contenu d'un témoignage pour prétendre que la capsule de poison de Himmler était fragile. Et voici le tour de Daniel Laurent, à propos du livre
Histoire de la Gestapo (Fayard, 1963), certes daté, mais parfois utilisable.
M. Delarue, spécialiste des criminels de guerre - et donc de leurs moyens de mise à mort - témoignait de la résistance des capsules de poison nazies :
"les chefs nazis portaient une capsule de cyanure, parfaitement étanche, dissimulée dans la bouche. Il fallait la broyer pour que le poison agisse. Si elle était avalée accidentellement, la capsule résistait aux acides de la digestion et ne produisait aucun effet" (Jacques Delarue,
Histoire de la Gestapo, Fayard, 1963, p. 443).
On voit là que M. Delarue relatait, en termes précis, la capacité de résistance mécanique (broyage nécessaire) et chimique (engin étanche) des capsules de cyanure.
Ce propos d'un historien reconnu, confirmé d'ailleurs deux ans plus tard par un témoin oculaire du suicide de Himmler (le colonel Murphy, parlera de capsule
"suffisamment solide pour résister à une mastication soigneuse et aux liquides - surtout si c'était l'autre côté de la bouche qui était utilisé - mais pas suffisamment pour résister à une action visant à la briser", mais en fera improprement une capsule de métal fin, et non de verre solide), gêne considérablement nos théoriciens du complot.
Aussi, l'un d'entre eux, Daniel Laurent (au demeurant grand ami de M. Delpla),
va-t-il tenter de discréditer l'assertion reprochée. Comment ? Nous allons le voir dans l'instant.
M. Laurent va tout simplement contester un passage du livre de M. Delarue aux antipodes de l'assertion considérée, donc sombrer dans le hors-sujet pour liquider l'ensemble, et lorsqu'il reviendra au passage considéré ne trouvera rien de mieux que de le déformer.
Ainsi, lorsque je demandais à Daniel Laurent quelle pertinence y avait-il à évoquer les interprétations de M. Delarue quant à la Nuit des Longs Couteaux dans le cadre de cet "échange" relatif au suicide de Himmler, mon "contradicteur" ne trouvait pas d'autre réponse :
"Mais QUI cite M. Delarue ? Vous ! Ne vous etonnez donc pas si l'on vous signa;le que ce qu'il a dit a ses limites..."
On voit là que Daniel Laurent esquive - peu brillamment - la question. Il cherchait en effet à discréditer l'affirmation d'un historien relative à la grande solidité des capsules de poison des chefs nazis, non point en contestant de front ladite affirmation, mais en sortant complètement du sujet, et en évoquant non pas la manière dont M. Delarue relate un
fait, mais
interprète le comportement de Hitler au cours de la Nuit des Longs Couteaux. Ce qui, encore une fois, n'a strictement aucun rapport avec le sujet considéré.
Aussi vais-je reformuler ma question, puisque M. Laurent semble ne pas l'avoir comprise (j'insiste sur le
"semble" ) : en quoi discuter de la véracité de l'interprétation de la Nuit des Longs Couteaux par M. Delarue conteste-t-il sa description des capsules de poison des chefs nazis ?
Daniel Laurent prétendait également que M. Delarue, s'agissant du suicide de Himmler,
"en dit ce qu’en dit Murphy et ne parle pas de Selvester, et pour cause !". Je lui ai demandé de prouver son affirmation, c'est à dire de prouver que M. Delarue avait en fait recopié un quelconque témoignage du colonel Murphy. Et voici ce qu'il répond :
"Facile : Lisez son livre, pages 600-601, ne vous en deplaise...
Or, rien, strictement rien ne permet de considérer aux références considérées (p. 442-443 de mon édition) que M. Delarue a recopié un témoignage du colonel Murphy (j'aimerais d'ailleurs savoir lequel).
Il faut en déduire que Daniel Laurent a fait dire n'importe quoi à la source citée en référence, outre qu'il n'a produit aucune réponse à ma question.
Selon Daniel Laurent toujours, M. Delarue ne parlait pas du capitaine Selvester. Là encore, c'était
faux, et je l'ai prouvé. Bref, là encore notre théoricien du complot a (sciemment ?) déformé le contenu d'un ouvrage.
M. Laurent va ensuite prétendre,
dans un autre message (qui prétendait à tort répondre à
toute cette démonstration !), que la capsule de poison était
"mécaniquement fragile".
C'est, d'une certaine manière, tenter de valider en catastrophe
une déformation (volontaire ?) commise par M. Delpla. Mais le problème n'est pas là. Il ne suffisait en effet pas de mordre la capsule de cyanure, mais de la
broyer, c'est à dire la détruire d'un bon coup de dents.
De ce point de vue, le témoignage du colonel Murphy est totalement admissible : il suffisait de manger lentement (et la chose n'a rien d'anormal), en utilisant l'autre côté de la bouche pour avaler les morceaux du sandwich. Impossible de faire la différence, chez les témoins britanniques de la chose.
C'est d'ailleurs bel et bien pour cette raison que l'un d'entre eux, le capitaine Selvester, n'était pas du tout convaincu que le fait de pousser Himmler à manger des sandwiches au fromage (!) l'aurait amené à se démasquer. Selvester s'abstiendra donc de fouiller la bouche du prisonnier. Cet élément, très gênant,
n'a pas reçu l'ombre d'une explication convaincante de la part des théoriciens du complot, lesquels ne reviennent surtout pas au contexte des événements analysés.