Je converge avec le papier de Nicolas, à l'exclusion de la dernière ligne (et de quelques généralisations qui la préparent).
En comptant sur la mansuétude des modérateurs, je voudrais pour essayer de me faire comprendre inscrire dans notre livre de guerre un grand écart chronologique, entre le XVIème siècle et mai 2007, entre l'apocalyptique conquête de l'Amérique et le "choc des civilisations" dans lequel d'aucuns cherchent aujourd'hui même à nous enrôler.
Benoît XVI vient de déclarer au Brésil que les Indiens, avant la conquête, étaient en grand appétit de révélation chrétienne et que leur conversion s'est faite dans le respect de leur identité culturelle. A ce degré d'aveuglement, une seule explication possible : il croit ce qu'il dit. Il est tellement obnubilé par sa foi qu'elle lui reconstruit totalement le monde.
Cela devrait nous aider à comprendre Jacques Baynac. Sa mythologie, c'est l'idée, largement partagée, que l'histoire universitaire est le fait de gardiens d'un temple et qu'on a de fortes chances d'être dans le vrai en avançant le contraire de ses affirmations. L'idée n'est pas toujours et partout fausse, mais justement elle demande à être nuancée : il n'y a pas UN temple, les gardiens, s'ils existent, ne sont donc pas homogènes, et si on est soucieux d'histoire il faut prendre son bien un peu partout, examiner les preuves produites par chacun et la rigueur de ses déductions...
Baynac manipule, oui. Nicolas nous en fournit une deuxième démonstration flagrante, après celle qu'il a eu l'obligeance de nous donner ici lui-même : il était, dans quelque région de son subconscient, tellement peu sûr de l'innocence d'Hardy qu'il éprouvait le besoin de la démontrer au moyen d'une prétendue conversion de Lucie Aubrac à cette thèse, de la manière la plus tirée par les cheveux qui soit mais avec une assurance inversement proportionnelle à la solidité de sa preuve. Au passage, il ajoutait que la lumière était venue à la grande résistante à la lecture (fantasmée par lui) de son précédent livre -qu'elle n'a jamais ouvert et que son mari ne lui a pas mis sur cassette.
Revenant un instant à mon point de départ et soucieux de montrer que ce n'est pas la révélation chrétienne qui est ma cible, je citerai l'Evangile : "ne jugez pas pour n'être pas jugés", "seul Dieu sonde les reins et les coeurs" : dans nos débats, évitons les procès en malhonnêteté, ou englobons-y la capacité qu'a chacun de se mentir à lui-même.
Et ne trions pas les cas les plus flagrants pour les extrapoler. J'ai dit et je répète que le livre de Baynac m'interpelle et m'intéresse sur un point essentiel : les premières semaines de la relation de Gaulle-Moulin. La thèse d'un "coup de foudre" reste, et de loin, la plus courue, or elle se heurte à un certain nombre d'obstacles, dont le moindre n'est pas l'existence d'un troisième partenaire, le gouvernement britannique, rarement mis en scène par les tenants du coup de foudre. |