Bonsoir,
Saluons l'étude consacrée à Mers el-Kébir. Le dossier est à la fois bien charpenté et relativement bien équilibré.
Bien charpenté ? La première partie de l'étude expose le contexte qui précède la canonnade : les incertitudes régnant autour des conditions de l'Armistice, l'enjeu de la Flotte, les appréhensions britanniques quant au sort de celle-ci, la détermination de Churchill à poursuivre la guerre....
La seconde partie décrit les heures tragiques de l'engagement. Trois cartes très claires visualisent la rade de Mers el-Kébir, les positions et les mouvements respectifs des bâtiments de guerre.
La troisième partie aborde le bilan, les réactions et les conséquences de ces journées.
Bien équilibré ? L'auteur, Pascal Eismann, ne verse pas dans l'invective partisane qui consiste à vilipender ces satanés Anglais.
Bref, le lecteur, peu au fait de l'opération
Catapult, trouvera un dossier bien ficelé en une vingtaine de pages richement illustrées.
Les "bémol"!
+ L'auteur de l'article évoque à peine l'attitude de l'amiral Gensoul : par exemple, sa réaction à la réception de l'ultimatum. [1]
Pour mémoire, à 8 h.45 - moins d'une demi-heure après réception de l'ultimatum britannique - Gensoul transmet à l'Amirauté française le télégramme suivant :
****
Forces britanniques comprenant 3 cuirassés, 1 porte-avions, croiseurs et torpilleurs devant Oran. Ultimatum envoyé : coulez vos bâtiments délai six heures ou nous vous y contraindrons par la force. – Réponse : Bâtiments français répondront à la force par la force.**** [2]
Pas un mot sur les autres options ! Cette communication indique, me semble-t-il, une volonté d'en découdre et ne laisse aucune place à la négociation.
+ Darlan est le grand absent de la journée. Injoignable, dit-on ? Au courant de rien ? C'est l'amiral Le Luc qui prend les initiatives sur base des informations tronquées de Gensoul. Etonnant tout de même lorsque l'on sait que Darlan rejoint Vichy vers 15 h. Dans les salons de Pétain où se tient le conseil des ministres, Darlan effondré annonce que la flotte de Mers el-Kébir est détruite. Il est 15 h. alors que Somerville donne ordre d'ouvrir le feu à 17h 56. Prémonition de Darlan ou calcul ?
Enfin la petite phrase qui fait sursauter :
En novembre 1942, le sabordage de la flotte de Toulon
"illustre la volonté des marins français de ne pas laisser tomber leurs bâtiments en mains adverses, quitte à les saborder". Et Mers el-Kébir ? Pourquoi ne pas avoir sabordé les bâtiments pour qu'ils ne tombent pas en mains
alliées.... et éviter ainsi le sacrifice inutile de 1.300 marins ?
A décharge de l'auteur, soulignons toutefois que 20 pages illustrées n'autorisent pas de longues analyses.
Bien cordialement,
Francis.
[1] texte intégral de l'ultimatum :

[2] Télégramme 2607 - 8 h 45 - Amiral Dunkerque à l'Amirauté française.