Merci de nous avoir gratifié de ce long développement.Je n'ai pas lu votre livre, mais je ne manquerai pas de me le procurer dés que je serai motivé pour cerner le cas Darlan.
Les développements autour de la collaboration me laissent toujours sur la réserve tant ce mot revêt des sens différents, pas seulement pour les acteurs de l'époque, mais pour les commentateurs qui suivirent, juges, historiens, écrivains, cinéastes, ou commissaires d'exposition, comme ce fut le cas pour l'exposition « La Collaboration » des Archives Nationales qui s'est clôturée il y a quelques jours à peine.
Avec raison, me semble-t-il, vous écrivez que la collaboration, du point de vue d'Hitler, « ne fut que la loi du plus fort présentée avec calcul par un adversaire impitoyable ». Cependant, si cette loi du plus fort peut prévaloir tant que l'on reste dans le face à face vaincu-vainqueur sur le continent européen, elle trouve ses limites lorsqu'on s'en éloigne et qu'apparaissent des forces géopolitiques qui échappent encore au Führer. Vous citez Jäckel qui évoque à la page 161 la « duperie grandiose » que revendique Hitler en automne 1940, mais le même Jäckel raconte dans les pages qui suivent l'échec de cette duperie et il énonce très bien dans les pages qui précèdent l'équation de la neutralité qui a gouverné la France de Laval, et par la même occasion la France de Darlan : Les militaires français qui tiennent l'Afrique du Nord, alliés traditionnels des Anglais, risquent de basculer de leur côté si le compromis de l'armistice est rompu.
« La Grande Bretagne ne cédant pas, il se révélait que la Convention d'armistice avec la France avait été conclues sur des bases qui ne coïncidaient plus avec la réalité … la Convention d'armistice garantissait à la France la possession intégrale et même l'intangibilité de leur empire colonial … désormais, ce qui n'avait été que négligence ou insouciance devenait faute grave, car le risque se précisait de voir la Grande Bretagne s'emparer de l'une ou l'autre des possessions françaises … le régime de Vichy vis-à-vis duquel Hitler éprouvait une profonde méfiance, était peut-être tenté de rejoindre à nouveau le camp de son allié de la veille ... »
A moins d'un tsunami, le quillard ne peut pas chavirer avec un centre de gravité au-dessous de la ligne de flottaison. Lesté par l'Afrique du Nord, l’État français ne peut pas chavirer dans la belligérance. S'il penche d'un côté, les forces de rappel joueront leur rôle. Telle sera la situation jusqu'en novembre 1942. |