L'article d'Eric Kerjean consacré à Wilhelm Canaris a le mérite de renouveler considérablement nos questionnements sur le personnage. En effet, la démarche de cet historien consiste moins à apporter des faits nouveaux (un biographe tel que Heinz Höhne a déjà accompli ce travail de balisage, le voisinage de Canaris et de Heydrich étant d'ailleurs connu depuis longtemps) qu'à réinterpréter le dossier en se fondant sur certains de ses détails, pour lui redonner une plus grande cohérence.
Indéniablement, cette interprétation a le mérite d'apporter bien des explications à la conduite parfois erratique du "petit Amiral" au cours de la période nazie. Cependant, elle m'interroge plutôt qu'elle ne me convainc, et notamment - mais pas exclusivement - à cause de ceci : Canaris est arrêté le 23 juillet 1944 (trois jours après l'attentat de Rastenburg), sa période de détention n'est pas une sinécure, et il est finalement pendu le 9 avril 1945 dans un camp de concentration, en compagnie d'autres opposants. S'il a été un indicateur de Hitler chargé d'infiltrer l'opposition, pourquoi ce dernier le traite-t-il de cette manière ? Ce d'autant qu'à ma connaissance, Canaris ne me paraît pas s'être vanté d'avoir joué un tel rôle, notamment lorsqu'il était interrogé par les enquêteurs de la Gestapo. |