Quand des faits nouveaux se mettent en travers de traditions bien établies, le replâtrage est la plus humaine des tentations.
Mais il faudrait prendre la mesure des dégâts :
-pas de trahison de Canaris, du moins pas avant... ?
-pas de haine ou de rivalité entre lui et Heydrich, du moins jusqu'à... ?
-un voisinage pavillonnaire discret, non remarqué des historiens ou seulement pour l'anecdote, alors qu'il permet une transmission quasi-directe d'informations et de directives, sans témoins ni traces, entre Hitler et le prétendu antinazi, sans doute non membre du parti et présumé rival de ses organisations, Canaris.
Il faut donc tout reprendre à la base.
Mais certes les questions sans réponse abondent :
-quel est le degré d'adhésion de Canaris à l'idéologie hitlérienne ? S'agirait-il d'un simple échange de bons procédés anticommunistes ? Ou, autrement dit, d'une alliance solide, mais réversible, entre des antisémites frappadingues et un militaire patriote opportuniste, misant sur le magnétisme et le génie manoeuvrier adolfiens -une sorte de Göring moins voyant et moins compromis ?
-parts respectives d'un désaccord politique et d'un simple machiavélisme hitlérien dans le potenciel dénouement ?
-réalités et apparences dans la division finale des SS entre fanatiques style Kaltenbrunner et opportunistes style Wolff ou Schellenberg ?
Une précision en passant : les tortures subies pas Canaris, qu'il serait d'ailleurs plus juste d'appeler des vexations, ont l'air, d'après Höhne, d'être surtout mentionnées par une source : la première bio, celle d'Abshagen, à la fin des années 40. Or cet individu, je m'en suis aperçu à Londres en octobre dernier, est un grand méconnu des années 30, un journaliste allemand en poste à Londres, agent de l'Abwehr soupçonné à l'époque et avéré depuis, coqueluche des milieux de l'appeasement et conseiller occulte de Chamberlain, notamment lorsqu'il hausse le ton vis-à-vis du Reich (en mars 39 surtout) ! Ayant trempé dans des manoeuvres que je trouve clairement hitlériennes, mais qui n'étaient pas connues et encore moins diagnostiquées comme telles (et ne sont toujours ni l'un, ni l'autre), il a donc le plus grand intérêt personnel et politique à exagérer les misères que les SS ont faites à Canaris.
Toujours le même réflexe : couper les passerelles et exagérer les cloisons.
PS.- Ce qui est sûr, c'est que dans un tel régime on ne trucide pas un captif de ce niveau sans un ordre clair du grand chef. Je l'ai démontré pour Mandel, j'espère que les recherches actuelles en feront autant pour Canaris. |