Bonsoir,
A la lecture de l'article de Eric Kerjean, je partage globalement l'opinion de Nicolas Bernard. Les hypothèses sont séduisantes voire convaincantes mais, en piètre amateur d'histoire de la SGM que je suis, les hypothèses/thèses d'autres historiens le sont tout autant. Je ne suis donc guère avancé et j'attends la suite de l'analyse de Eric Kerjean.
Parmi les ouvrages qui traitent de Canaris, j'en retiens un, tout récent, de Boguslaw Woloszánski,
39-45 : Les dossier oubliés, (Editions Jordan, 2010). L'auteur n'est pas historien mais un journaliste polonais qui s'est consacré à l'écriture de plusieurs ouvrages de vulgarisation sur la Seconde Guerre mondiale [*]. Le style romanesque ne manque pas de piquant et rend la lecture passionnante. Gros "hic" cependant : si, par exemple, les reconstitutions de conversations ou les détails pittoresques ne manquent pas ... manquent par contre la moindre référence à des sources.
Quoiqu'il en soit, le parcours de Canaris y est décrit sur plus de 80 pages. Attardons-nous aux réflexions de Nicolas Bernard et François Delpla sur les relations Heydrich - Canaris.
Les deux hommes se connaissent bien. A la fin des années 20, Heydrich faisait ses classes sur le croiseur
Berlin, le même bâtiment où Canaris était premier officier. Détail pittoresque : en 1931, le lieutenant Heydrich fut exclu de la marine pour avoir refusé d'épouser une femme qu'il avait séduite.
C'est dans le contexte de la concurrence entre le SD et l'Abwehr que les deux hommes s'observent mutuellement et se détestent cordialement. Notons le souci du détail : quand Canaris acheta une maison au 7 de la rue Betazele, dans un quartier sud-ouest de Berlin, Heydrich emménagea dans une autre, située à l'angle, au 14 du Reifträgerweg. Ils se rendaient souvent visite et ils avaient des conversations amicales, mais ils savaient parfaitement que chacun attendait un moment favorable pour se débarrasser de son concurrent, ajoute Woloszánski.
Il est probable que Heydrich connaissait les activités "obscures" de Canaris. Ce dernier conscient du danger, avait constitué un solide dossier à charge. Il aurait apprit que son rival du SD était un demi-juif et surtout qu'il ne s'intéressait pas qu'aux femmes, mais que ses penchants sexuels le portaient aussi vers les hommes. Toutes ces informations soigneusement rassemblées pouvaient détruire la carrière de Heydrich. Le dossier fut envoyé à un ami en Suisse, à qui Canaris demanda de le remettre à la rédaction du
New York Times au cas où lui-même ou un membre de sa famille serait victime d'un "accident". Bien entendu, Heydrich en fut informé.
Cette anecdote pour montrer que Woloszánski décrit un Canaris jouant au chat et à la souris, tantôt dans le rôle du chat pour confondre ses ennemis, tantôt dans le rôle de la souris pour échapper à ses adversaires ... jusqu'en 1945, lorsque la souricière se referma. Mais c'est une autre histoire !
Bien cordialement,
Francis.
[*] L'Histobibliothèque propose la recension de trois ouvrages de Boguslaw Woloszánski :
- 40-45. La guerre secrète d’Hitler
- 39-45. Le choc des tyrans
- 39-45. La guerre secrète de Staline