Bonsoir,
Notons que le déposition de Bonnier a été recueillie dans les heures qui ont suivi l'assassinat de Darlan. Bonnier est convaincu qu'il sera bientôt libéré. Si au départ, il est réticent à dénoncer ses complices, il accepte de se confier à la condition que son témoignage ne soit pas acté. Il s'agit donc d'un témoignage tel qu'il fut rapporté au juge Voituriez par les deux commissaires chargés de l'interrogatoire.
Ce premier extrait indique que Bonnier n'était pas spécialement "royaliste"
*** Je dois vous dire que j'allais tous les jours au domicile de M. Henri d'Astier, comme chargé de liaison du corps franc. Dans ce corps franc, nous avions formé entre nous un groupe de "durs", que nous appelions le "groupe d'Hydra". M. d'Astier ignorait ce détail. C'est le colonel Van Heycke qui m'avait désigné pour cette liaison.
M. d'Astier me recevait fort bien, parlait avec moi et m'avait présenté à ses deux filles, qui étaient très gentilles. Je n'étais pas du tout monarchiste, je n'y pensais même pas! Au cours de nos conversations, M. d'Astier me montrait que la seule solution pour que la France voie s'ouvrir devant elle un avenir brillant était un retour à la monarchie, régime dont il me faisait l' éloge.
Ces conversations ont duré environ un mois. M. d'Astier me laissait même entendre qu'avec le nom que je portais, sous un tel régime politique, j'aurais pu devenir un jour ambassadeur. Et puis ses filles étaient bien agréables...
Vers le 20 décembre, tant M. d'Astier que l'abbé Cordier, qui habitait chez M. d'Astier, me firent comprendre que le seul obstacle à l' arrivée en France de cet avenir si favorable était la présence de l'amiral Darlan d la tête du gouvernement. L'abbé Cordier était mon confesseur, car je suis catholique pratiquant.
Progressivement, j'ai compris que ces messieurs recherchaient un jeune homme courageux, convaincu de la grandeur de sa mission, qui accepterait d'accomplir une action historique: faire disparaître l'amiral. Je me suis présenté spontanément comme celui qui serait capable de mener à bien cet acte d' épuration. Car, en réalité, sous ses allures de patriote, Darlan était inféodé aux Allemands. Je savais bien que faire disparaître un individu, même nocif, est interdit par la religion. Mais on m'avait convaincu que, devant la grandeur nationale de l'action, Dieu me pardonnerait. ***
Intervient le nom du colonel Van Heycke.... plus exactement Van Hecke qui est Belge d'origine. Encore un personnage énigmatique. Quel fut son rôle précis dans le complot ?
- un lien sur les affres de l'orthographe des noms propres :
- un autre lien vers la reproduction d'un extrait de lettre que Van Hecke adressa à Alain Decaux :
Suite de la déposition au prochain numéro.
Bien cordialement,
Francis. |