Le 9 janvier 1943, Albert-Jean Voituriez, substitut du commissaire du gouvernement près du tribunal militaire de Casablanca, reçoit le télégramme officiel suivant :
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Commandant Voituriez nommé provisoirement juge d'instruction au tribunal d'Alger. Rejoindra aussitôt. Avion à sa disposition à aérodrome militaire ***
Reçu par le général Giraud, Voituriez se voit confier la mission de reprendre l'instruction du dossier de l'assassinat de l'amiral Darlan. Ce dernier a été assassiné le 24 décembre. Le meurtrier, Fernand Bonnier de la Chapelle a été jugé et condamné dès le lendemain et exécuté le 26 décembre au petit matin.
Voituriez, pour raisons d'Etat, s'acquittera de sa mission en livrant une enquête minutieuse qui met en cause diverses factions royalistes et gaullistes. Paradoxalement, l'instruction judiciaire aboutira à un non-lieu imposé par l'autorité militaire et gouvernementale représentée par le général Giraud. Le juge Voituriez ayant refusé de signer le non-lieu sera rayé des cadres de l'Armée [*].
En 1979, le juge Voituriez, cité à diverses reprises dans les médias, décide de porter à la connaissance du grand public son dossier d'instruction. C'est le sujet du livre que nous présentons : une enquête passionnante dans l'inextricable imbroglio du chaudron algérien. C'est également le témoignage d'un homme qui tente d'approcher la vérité et qui, à défaut, se forge une intime conviction.
Notons que le récit de l'instruction judiciaire est précédé d'un long chapitre de 60 pages, signé François Broche et intitulé
"Le premier chef de la France libérée". Il s'agit d'un étonnant panégyrique de l'amiral Darlan qui détonne sous la plume de François Broche, l'auteur de
"L'Epopée de la France Libre".
[*] Le juge Voituriez sera réhabilité et rétabli au grade de colonel en 1955. Il sera décoré de la Légion d'honneur en 1956.
Francis Deleu.