Bonsoir - bonjour,
J'adhère à cette proposition de Jacques :
Pour moi, la Résistance est une double résistance : elle résiste à l'Allemagne et elle résiste à la dictature de Pétain. Elle n'a pas pour unique objectif la libération du territoire de son occupant mais elle a aussi l'intention de changer le régime politique de la France.
Il me semble que nous av(i)ons déjà longuement observé et analysé les discours, les engagements et les actes de plusieurs personnalités françaises durant les années noires pour appuyer cette position dans Livres de Guerre, une position partagée qui nous vaut encore de solides inimitiés. Et cela sans exclure l'opposition ou la contradiction dans ce forum, bien au contraire.
Si on reprend les éditoriaux des principaux chefs des mouvements dans leurs organes clandestins respectifs, ce double rejet apparaît de façon progressive mais irréversible dès fin 1941-début 1942.
Dans le cas d'Henri Frenay, par exemple, ce n'est pas sans déchirement qu'il en vint rejeter l'ombre pesante d'un maréchal au nom duquel il s'était pourtant lancé avec sincérité dans la dissidence puis la résistance en créant ce qui deviendra le plus important des mouvements de zone sud, Combat.
Chez le patron de Combat se mêlait à une volonté de se battre contre le nazisme, le réel désir de changement en profondeur de la société française après la Libération; l'influence de Berty Albrecht eut son importance dans la construction de la pensée sociale, voire socialiste (non marxiste) de Frenay. Si on reprend l'excellente biographie de Belot, on découvre que Frenay est loin de la caricature de l'officier nationaliste un peu borné diffusée par ses ennemis, communistes en tête et pour cause, avant, pendant et après son passage au ministère en charge des prisonniers et déportés.
La proposition de définition exposée par Jacques me semble donc bien cadrer avec les choix politiques, militaires mais aussi sociaux des responsables de la Résistance.
Est-il besoin de préciser que ce besoin de changement ne fut pas un désir exclusivement à gauche ou de gauche; l'engagement résistant fut également le temps des grands "cross over" politiques et des associations, éphémères ou plus durables, autour de ce double rejet, du nazisme et de la dictature de Vichy.
Bien cordialement,
René Claude
PS : J'ai choisi le patron de Combat comme figure exemplaire car il ne fut jamais à proprement parler un gaulliste - même s'il donna son soutien au Connétable au moment crucial - et que son parcours de résistant résume les désirs, les contradictions - souvent apparentes - et les doutes de celles et ceux qui menèrent leur combat politiquement, militairement mais aussi socialement. J'aurais pu prendre le parcours de Rémy qui, malgré ses choix très marqués à droite avant guerre, créa le premier réseau de renseignement de la France libre d'envergure. Ce n'est que dans les années 50, influencé par des ultras du catholicisme, qu'il en vint à faire sienne la thèse - que l'on sait aujourd'hui fallacieuse - du bouclier Pétain et du glaive de Gaulle. Mais durant son combat résistant, Rémy, s'il utilisa ses contacts avec des membres de Vichy au service de son réseau, ne fut jamais dupe quant à la nature du régime. |