Dans le "feu de l'action", j'ai omis de répondre à ce message pour le moins sibyllin. Si je comprends bien, vous voulez insinuer que les citations obtenues par mon père (car il y en a, en fait, deux) ont été concoctées par des autorités issues de la Résistance désireuses de renforcer la légende d'une grande bataille aux Glières (vous écrivez : "il serait intéressant d'expliquer le contexte de son attribution, d'expliquer qui sont les militaires dont il est question"). Etant ouvert d'esprit, je ne dis pas que c'est impossible et j'accepte de jeter un oeil critique sur ces deux citations dont voici le libellé exact :
Décision n° 868. Le Secrétaire d'Etat aux Forces armées « Guerre » cite à l'ordre de la brigade, Cerri Roger, maquisard du 1er mars 1943 et combattant de Glières.
Après avoir, avec trois camarades, dont un fut tué et deux pris et déportés, assuré la mission dangereuse entre toutes de forcer le blocus du Plateau pour porter ravitaillement et ordres du Plateau, fut nommé chef de groupe à la section Saint-Hubert (corps franc de Thônes).
A eu une attitude magnifique lors du combat du 26 mars 1944 ne consentant à se replier qu'après épuisement de tous ses moyens et avoir vu tomber son chef et les deux tiers de ses camarades. […]
Si l'on admet le langage habituel, toujours un peu épique ("attitude magnifique") de ces citations, on peut voir qu'elles correspondent aux deux événements suivants :
1) Le 5 février 1944, cinq maquisards du groupe franc de Thônes, épuisés, car de retour, vers quatre ou cinq heures du matin, d'une mission de ravitaillement, dans une neige abondante, sur le plateau des Glières, viennent à peine de s'endormir dans une ferme amie à la Curiaz lorsqu'ils sont réveillés par le fils du fermier : de nombreux francs-gardes de la Milice arrivent et ouvrent le feu dès qu'ils aperçoivent les maquisards, lesquels, pour accomplir leur mission de portage dans la neige profonde sur une pente raide, n'ont pas d'armes.
André Rollin, Georges Laruaz et son frère André se précipitent à travers champs. Le chef André Guy (qui sera tué à Monthiévret le 26 mars) et Roger Cerri plongent dans le nant (« torrent » en savoyard) et parviennent à franchir la forêt du Mont. Les miliciens mitraillent. Georges Laruaz est tué, son frère André, blessé, réussit à se réfugier dans le collège de Thônes, mais il est arrêté ainsi qu'André Rollin. Ces deux hommes, ayant peut-être subi des sévices, disparaissent en déportation.
2) Le 26 mars 1944, vers 17 heures, Roger Cerri, en avant-poste sur l'alpage de Monthiévret depuis 3 heures du matin après une nuit blanche dans le froid, entend des coups de feu au-dessus de sa position (il ignore que le tireur F.-M. Jacquart vient d'être tué par des éclaireurs allemands ayant pris les maquisards à revers). Brusquement, les Allemands tirent de toutes leurs armes et projettent des grenades (les coups de feu sont entendus dans toute la vallée). Plusieurs maquisards sont légèrement touchés par des éclats. La deuxième sizaine de Roger Cerri perd la liaison avec la première sizaine au-dessus et avec la troisième avancée, ce qui laisse supposer à Roger Cerri que son chef, André Guy, et tous ses camarades sont morts (ce qui, en fait, n'est vrai que pour son chef et un de ses camarades "seulement"). Les Allemands mettent alors leur mortier de section en batterie depuis la barre rocheuse située en arrière : la position devient intenable, et c'est seulement à ce moment-là que Roger Cerri et ses hommes se replient en direction d'une grotte en contrebas.
Ainsi, j'estime que les citations sont justifiées. Evidemment, peut-être les actions qu'elles distinguent seraient passées inaperçues s'il n'y avait eu, de la part des autorités, la volonté de faire des Glières un symbole de la Résistance armée avant le Débarquement. |