Bonsoir,
René Capitant est l'une des figures les plus sympathiques du mouvement gaulliste. Visionnaire, alors que la faculté de Strasbourg s'est repliée sur Clermont-Ferrand, René Capitant demande et obtient sa mutation pour l'université d'Alger. Pour lui c'est un calcul à longue échéance. Il est persuadé que, comme il l'a dit, le chemin de Strasbourg passe par Alger. Il ne doute pas que l'invasion de l'Afrique du Nord par les alliés ne soit une étape nécessaire pour la défaite des nazis et la libération de France. Effectivement, en 1942, il oeuvrera pour faciliter le débarquement américain et plus tard pour imposer la France Libre du général de Gaulle, ce qui lui vaudra quelques ennuis avec le gouvernement de Giraud et les Vichyssois.
Une lettre de René Capitant à son ami Charles Giron (*), datée du 14 janvier 1943 brosse quelques portraits féroces des "personnalités" qui gravitent autour du (des) pouvoir(s) à Alger.
Envoyé par De Gaulle, le général d'Astier de la Vigerie est arrivé à Alger le 19 décembre précédent. D'Astier a comme mission principale de mettre sur pieds un comité de 3 membres chargés de coordonner à Alger les efforts individuels et collectifs faits dans le sens de la France Combattante. Ce comité serait composé de Capitant, Joxe et Henri d'Astier. Ce qu'en pense Capitant:
*** Immédiatement j'eus le sentiment que ce comité fonctionnerait difficilement à cause de la personnalité d'Henri d'Astier. Monarchiste, cagoulard, Henri d'Astier est un des chefs de la "clique" qui a organisé le mouvement giraudiste et occupait le poste du Haut Commissariat au lendemain du débarquement.
Le but de ce mouvement est très clair: transposer en Afrique du Nord et dans le camp des alliés le régime fasciste de Vichy. Il s'est développé avant le débarquement, d'accord avec Murphy, représentant de grands intérêts capitalistes américains. Il était nettement antigaulliste. Il reste très méfiant à l'égard de De Gaulle, depuis. Il sent bien néanmoins qu'il doit compter avec De Gaulle, qu'il doit traiter avec lui. Mais il ne veut pas lui accorder la première place. Il ne veut pas surtout accepter ses déclarations républicaines. ***
Bien cordialement,
Francis.
(*) Charles Giron, tout comme René Capitant lui-même, était membre dirigeant du Mouvement "Combat-Empire", antenne en Afrique du Nord du Mouvement "Combat d'Henri Frenay. |