"Pour ce qui est de votre conclusion, non, l’échec de Hitler à exporter en Suisse son « problème juif » existentiel ne découle pas uniquement de la résistance britannique", écrivez-vous, en précisant : "Elle a, et aurait certainement, conservé dans une large mesure ses fonctions démocratiques. Ces fonctions ont, et auraient, évité, comme dans tous les autres pays qui les ont conservées, l’importation d’un « problème juif » sur le modèle de celui qui s’est imposé en Allemagne."
Et ce en évoquant un gouvernement qui a participé, non sans un certain zèle, à la radicalisation de la législation antisémite allemande en temps de paix, sans parler de diverses autres compromissions, aussi bien dans les années trente et quarante, sur bien des aspects de la politique allemande !
Je reconnais que l'uchronie est un exercice difficile, mais dans le contexte d'une victoire allemande à l'Ouest en 1940, laquelle permettra au Reich de dégommer sans risques l'U.R.S.S. l'année suivante, et donc asseoir sa domination sur le continent, avec l'aide de pays satellites, et ce pour plusieurs générations, pensez-vous vraiment que les "fonctions démocratiques" des pays que vous mentionnez auraient fait le poids, ne serait-ce qu'à court terme ?
Si les dirigeants suisses ou suédois s'étaient révélés des Résistants acharnés ou des Justes en puissance, cela se serait déjà su - sachant que des individus tels que le général Guisan n'avaient pas la maîtrise de la politique extérieure et intérieure de la Confédération. Or, l'une des inquiétudes fondamentales de la diplomatie suisse de l'époque est liée à l'accroissement de la puissance germanique, laquelle nourrit bien des angoisses quant à une possible invasion nazie, ce qui permet au Führer d'exercer un réel pouvoir de pression. A ce titre, vous me l'accorderez, le discours de Pilet-Golaz du 25 juin 1940 n'est pas précisément un remake helvétique de l'Appel du 18 Juin. Alors, imaginez, dans la seconde moitié d'un XXème siècle où le svastika règne sur l'Europe... |