... il ne confirme certainement pas les propos de l'anonyme.
Pour rappel,
l'anonyme avait déjà eu l'occasion de déformer le sens d'une citation de Serge Klarsfeld.
> C'est là la question qu'il faut se poser en effet.
> Entre juin 40 et juin 42, en zone occupée, les Allemands
> du MBF ne perdirent pas leur temps à négocier; ils
> commandaient ceci et cela à la police française et
> celle-ci exécutait leurs ordres sans barguigner.
Serge Klarsfeld réfute ce que vous écrivez (
Vichy-Auschwitz. La Solution finale de la Question juive en France, Fayard, 2001, p. 16), au sens où au contraire, le
M.B.H. cherchait au contraire, comme le gouvernement nazi, à s'attirer les bonnes grâces de Vichy au lieu de commander :
"... la politique permanente [du
M.B.H.]
est d'intervenir par le canal des Autorités françaises. Les ordonnances allemandes du Commandant militaire doivent être appliquées en zone occupée par l'Administration française. Quant aux lois et aux décrets du Gouvernement de Vichy, ils sont valables non seulement pour la zone libre, mais aussi pour la zone occupée, à condition toutefois qu'ils ne contredisent pas les ordonnances allemandes. L'existence du Gouvernement de Vichy, institué pour toute la France à titre de pouvoir souverain, confère aux services officiels français en zone occupée la qualité d'émanations du Gouvernement de l'Etat français, sous l'égide duquel ils travaillent. Les ministères de Vichy ont, en effet, leurs représentants en zone occupée auprès du Commandant militaire allemand. Ainsi, chaque acte des services français en zone occupée est un acte de l'Etat français."
S'agissant de la "question juive", précise Klarsfeld, les nazis avaient considéré qu'il s'agissait là d'une affaire interne, propre à la France, sur laquelle il importait de solliciter la coopération des autorités de Vichy et non de passer à une administration directe. Klarsfeld évoque à ce propos la conférence du 30 janvier 1941 entre responsables du
R.S.H.A. en France et du
M.B.H. à propos de la
Judenfrage, à l'occasion de laquelle l'adjoint du Représentant du
Sipo-S.D. en France, le
S.S.-Sturmbannführer Lischka, définit le domaine d'action des autorités allemandes en matière d'antisémitisme (
op. cit, p. 18) :
"Il convient de laisser aux Français le soin de régler la suite, afin d'éviter dans ce domaine la réaction du peuple français contre tout ce qui vient des Allemands. Aussi bien les services allemands s'en tiendront-ils à faire des suggestions."
Il convient de noter que cette citation a été périodiquement rappelée à l'anonyme, qui ne l'a évidemment jamais commentée.
> D'où les
> trois déportations de 41 et aussi celle de mars 42, dans
> lesquelles Vichy n'eut aucune part. Lisez Klarsfeld.
Là encore, ou vous n'avez pas lu Klarsfeld, ou vous déformez ses analyses de manière grossière.
La rafle du 14 mai 1941 résulte d'une coopération de l'Etat français avec la section antijuive de Dannecker, cet accord prévoyant que la police française arrêterait et internerait les Juifs étrangers. L'ambassade allemande a demandé à l'armée de soutenir cette démarche. De sorte que plus de 3.700 Juifs, convoqués par la police française, sont arrêtés, puis internés et déportés, cette opération ayant été rendue possible par l'existence du très complet "fichier juif" réalisé par Vichy - voir Klarfeld,
op. cit, p. 19-28.
La rafle du 20-23 août 1941 était, pour sa part, fondée sur le prétexte, très en vogue à l'époque chez les nazis pour justifier les exterminations de Juifs, que la guérilla communiste était l'oeuvre des Juifs. Suggérée par Dannecker, l'opération est effectuée à l'initiative du
M.B.H. qui réquisitionne la police française sans passer par Vichy. Vichy est informé après la prise de décision allemand, mais n'émet aucune protestation sur le principe, et assure l'internement des Juifs arrêtés. En revanche, l'opération mécontente profondément l'opinion publique française. Voir Klarsfeld,
op. cit, p. 28-35.
La rafle du 12 décembre 1941
"s'inscrit dans une action de représailles consécutives à une série d'attentats anti-allemands que les exécutions de lasse de Chateaubriand et de Nantes (48 et 50 fusillés les 22 octobre et 24 octobre 1941) n'ont pas interrompue". Le
M.B.H. décide de procéder à des arrestations de masse, mais l'ambassade allemande le convainc de ne pas déplaire à Vichy, et à cet effet, de faire porter la responsabilité exclusivement
"sur des Juifs et des agents des services secrets anglo-saxons et soviétiques". C'est pourquoi Vichy exécute, mais ne proteste pas. Voir Klarsfeld,
op. cit, p. 36-38.
> Mais en mai 42, tout va changer : la conférence de
> Wannsee a eu lieu et Heydrich vient à Paris pour y
> installer la SS et décharger le MBF de cette tâche trop
> délicate pour lui.
> Or, miracle, Bousquet parvient à retourner la situation
> en sa faveur et à obtenir de Heydrich (et d'Oberg à la
> suite) que non seulement la SS de Paris ne se croie pas
> tout permis comme le MBF avant lui, mais qu'elle renonce
> aux droits qu'avait depuis deux ans le MBF sur la
> Préfecture de police. Par les accords Bousquet-Oberg du 7
> août 42, la police française de zone occupée reprend son
> autonomie perdue.
Faux. Klarsfeld, de même que d'autres historiens avant et après lui, de même d'ailleurs que les documents relatifs à ces négociations, démontre que c'est Heydrich qui avait décidé, avant même de rencontrer Bousquet, qu'il laisserait à la police française son indépendance de manière à obtenir sa collaboration dans les rafles et les déportations, parce qu'il n'avait pas les moyens de s'adjuger le contrôle total de ladite police, et parce qu'une telle collaboration serait dès lors infiniment plus efficace. Bousquet n'a donc rien obtenu de plus que ce qu'Heydrich était déjà disposé à concéder, et s'est par la suite enfoncé dans un marchandage inhumain, en acceptant, au nom et avec l'accord de Vichy, que les Juifs étrangers des deux zones seraient raflés par la police française (quitte à ce qu'on dénaturalise les Juifs français pour en faire des Juifs étrangers, et quitte à y ajouter les enfants pour remplir les quotas). Voir Klarsfeld,
op. cit., p. 56-61 et p. 80-118.
Sur ce point, j'ai d'ailleurs
demandé des éclaircissements à l'anonyme. Il n'y a évidemment pas répondu.
> C'est ainsi que Vichy parvint à sauver "une grande partie
> de la totalité".
Ce n'est pas Klarsfeld qui écrit ça, mais Hilberg, et la phrase exacte est :
"en renonçant à épargner une fraction, on sauva une grande partie de la totalité", ce qui est sensiblement différent, quoique témoignant d'une
approche lacunaire de la question. Hilberg a d'ailleurs fini par admettre, après avoir eu accès à l'historiographie française, que
"Vichy a souvent fait plus que les Allemands pour capturer des juifs, étrangers ou citoyens français" (
source), ce qu'il a d'ailleurs pu développer de manière plus conséquente dans son livre
Exécuteurs, victimes, témoins, Gallimard, 1994, et coll. Folio-Histoire, 2004 (notamment p. 131-136).
Serge Klarsfeld, pour sa part, n'a jamais dévié, et il avait bien raison :
"Vichy a contribué efficacement à la perte d'un quart des Juifs de France" (
op. cit., p. 368), mais
"les Français ont puissamment aidé au salut de trois quarts des Juifs de France" (
op. cit., p. 369).