C'est en 1961 que paraît la première version de La Destruction des Juifs d'Europe, et dont l'auteur, effectivement, se montre à l'époque très indulgent envers Vichy. Hilberg avait été dépassé par la somme de son travail, et n'avait étudié la machinerie du meurtre de masse que du seul point de vue allemand, sans s'attacher à décrire la spécificité de la politique antisémite hexagonale.
Cette lacune ne l'a pas empêché, ensuite, de tenir compte des progrès de l'historiographie. Extrait d'une interview accordée en 1998 à L'Humanité :
Question. - Quel a été, en France, le rôle de Vichy?
Réponse. - Essentiel. Les Allemands ont procédé avec beaucoup de finesse pour gouverner un pays de cette taille. Il fallait une armée de législateurs, de magistrats, de gestionnaires, de techniciens... Ils ne l'avaient pas. Il fallait donc que la France les aide aussi bien dans la zone occupée que dans celle dite "libre". Ils avaient besoin d'une administration apte à exercer au quotidien la coercition d'Etat dans un cadre légal. Ils avaient besoin de l'industrie, des chefs d'entreprise et de leurs gestionnaires. Ils avaient besoin des travailleurs français pour compenser le manque de travailleurs en Allemagne. En échange de quelques concessions de forme, Vichy a répondu à cette nécessité. En ce qui concerne les juifs, Vichy a considéré que la France, pays occupé, n'avait pas à se maintenir terre d'asile pour des "non nationaux". Or, une large part des juifs de France étaient des juifs d'origine étrangère. Vichy a donc été, dès le début, tout disposé à livrer ces juifs à l'Allemagne - enfants compris. Nés en France, exclusivement francophones, mais issus de parents étrangers, ils n'étaient "pas vraiment français". Sur 300.000 juifs de France, 75.000, aux deux tiers d'origine étrangère, ont été tués. Vichy a souvent fait plus que les Allemands pour capturer des juifs, étrangers ou citoyens français. |