A noter dans cet Histomag, un très mauvais article sur "la nazification de la Wehrmacht" signé Daniel Laurent. Rien d'exceptionnel, me direz-vous, à ce que Histomag publie un très mauvais article. Histomag ne publie quasiment que de très mauvais articles. Cet article-là (paru auparavant dans une revue payante, là c'est plus grave !) a tout même l'intérêt de reprendre à peu près tous les poncifs, approximations ou mensonges éhontés constitutifs du discours dominant (pour ne pas dire unique) sur les forums d'histoire militaire (dont celui-ci) quant à la Wehrmacht. En effet, rien n'est épargné au lecteur.
Au menu, bien sûr, l'habituel charabia sur la méchanceté et la brutalité congénitales des Teutons. "Les junkers prussiens sont affectés par le racisme anti-slave depuis toujours, écrit l'auteur. Les Chevaliers teutoniques esclavageaient (sic) les Slaves des terres conquises plus de 500 - 600 ans avant eux, ils ont des racines !" Les soldats de la Wehrmacht avaient donc de qui tenir, des ancêtres très vilains qui non content de s'octroyer des terres par la conquête n'hésitaient pas à soumettre à leur bon vouloir ceux qui y vivaient. Les Scheus sont évidemment les seuls à l'avoir fait. Les Français et les Britanniques qui se sont taillés des empires coloniaux sur tous les continents n'ont eux évidemment "esclavagé" personne. Les colons américains ont eux trouvé des terres parfaitement vierges de toute présence humaine etc etc...
Les Teutons sont brutaux, c'est dit. Ils n'aiment pas les Slaves et ont une inclinaison naturelle au racisme. "C'est donc sans peine, nous explique l'auteur, qu'ils y rajoutent l'antisémitisme latent dans toute l'Europe à l'époque, surtout de l'Allemagne à la Russie en passant par la Pologne". On remarque au passage que les Slaves ne devaient pas être si gentils que ça puisqu'à en croire l'auteur, ils étaient eux-aussi fortement antisémites. Passons, et continuons sur le militarisme prussien et l' "obsession" des junkers de réarmer le pays après 1918. Daniel Laurent affirme que ceux-ci auraient réussi à convaincre la "timide" République de Weimar de réarmer. En réalité, tous les dirigeants politiques allemands, toutes sensibilités politiques confondues (l'extrême-gauche mise à part) souhaitaient la reconstitution d'une armée digne de ce nom et n'avaient nul besoin d'être convaincus par les militaires.
Glissons sur le "Hitler a besoin de l'armée pour prendre le pouvoir" (comme s'il ne l'avait pas conquis tout seul) et sur l'affaire Blomberg-Fritsch, revisitée par l'auteur, mal informé, pour en venir à un grand classique : le coup de l'exécution des tirailleurs sénégalais par "les troupes de Rommel" lors de la campagne de 1940. Daniel Laurent n'est-il réellement pas au courant que c'est bidon ? Dans sa biographie de Rommel, Benoît Lemay réfute pourtant ces accusations, précisant que la division de Rommel se trouvait à une cinquantaine de kilomètres au Sud du lieu des massacres qui lui sont reprochés. C'est d'autant plus étonnant que DL indique dans les sources utilisées pour son article l'ouvrage de B. Lemay... La source avancée par Daniel Laurent, dans cette affaire, est... Daniel Laurent avec un certain Alain Adam, coauteurs d'un article dans Histoquiz. Cerise sur le gateau, DL insinue que le massacre aurait été ordonné par Rommel. Et ce, sans le moindre élément !
Le reste est l'habituelle litanie sur les Einsatzgruppen...
La conclusion est sans surprise : La Wehrmacht était une armée de criminels.
"Dans ces conditions, écrit DL, chercher un officier de la Heer qui n'ait rien sur la conscience, c'est chercher une aiguille dans une botte de foin".
Avec, pour finir, une belle connerie : l'attentat du 20 juillet 1944 n'est qu'une réaction tardive et opportuniste de généraux allemands pour renverser un Hitler qui n'a d'autre tort à leurs yeux que de conduire le pays dans le mur. DL méconnaît ainsi délibérément que la conspiration de 1944 ne fut que la répétition d'un projet datant de... 1938 avec exactement les mêmes protagonistes, excepté Stauffenberg.
Pouvait-on espérer mieux ?
Sans doute pas compte tenu des sources, d'une incroyable pauvreté, utilisées par l'auteur : F. Delpla qui (ce n'est pas lui faire injure) n'est tout de même pas l'auteur le plus évident dès lors qu'il sagit de l'histoire de la Wehrmacht, Leleu, hors-sujet car il n'est pas question ici des Waffen SS, Shirer, un journaliste mis en cause pour l'absence de rigueur et la partialité de son livre qui est d'ailleurs une étude générale du nazisme, Bartov, un historien israélien...
Bref, quasiment rien de sérieux et, évidemment pas, l'incontournable Histoire de l'armée allemande de Benoist-Méchin. |