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La biographie très pointue que Robert Belot consacre au fondateur de "Combat" est passionnante car le chercheur a étudié avec beaucoup d'attention les premiers mois de ce que l'on pourrait désigner comme la "pré-résistance" d'Henri Frenay, lorsque le capitaine cherche ses marques. Il est alors persuadé d'agir selon le souhait secret du vieux maréchal. Il subit cette mystique Pétain, même si l'attitude attentiste et "le lâche soulagement" manifesté par certains de ses anciens collègues officiers l'écoeurent et le révoltent déjà.
Robert Belot :
"Quatre éléments fondamentaux apparaissent : Frenay veut mener la lutte en France et non depuis l'étranger; la France libre est parfaitement ignorée; son action n'est pas considérée comme incompatible avec la position du chef de l'Etat; elle se veut apolitique, c'est-à-dire "patriotique". Ce dernier point est important car il révèle une des croyances les plus répandues chez les militaires, à savoir qu'un soldat au faîte du pouvoir ne peut que conduire une politique qui soit le contraire de la politique. Il s'agirait d'une CONTRE-POLITIQUE comme il existe une contre-révolution, au sens où Joseph de Maistre a pu la définir, qui n'est pas une révolution contraire mais le CONTRAIRE d'une révolution. Comme si le patriotisme était un sentiment déréalisé qui ne pouvait que se corrompre au contact de la politique forcément impure, et comme si le soldat était naturellement porteur de l'intérêt général qui préexisterait à l'histoire."
Note : on est là au centre de cette dynamique réactionnaire - au sens de "qui réagit au progrès démocratique et aux principes républicains progressistes - des chefs militaires imprégnés de la pensée de Maurras et qui seront les plus fidèles soutiens de l'Etat français.(RC)
Belot : "Frenay aura quelque mal à se désaliéner de cette croyance qui constitue le NOYAU DUR de la mystique Pétain. " (p. 144-145)
Au moment où Frenay crée le Mouvement de libération nationale (MLN) à la fin de l'été 1940, il est sûr d'agir selon la volonté tacite de Pétain.
En 1989, Daniel Cordier, le biographe de Jean Moulin, créait un (petit) scandale en révélant le contenu d'un "manifeste" attribué à Frenay. Ce texte se terminait par :"Puisse le Maréchal Pétain vivre sufisamment longtemps pour voir notre oeuvre couronnée de succès." Robert Belot affirme aujourd'hui que ce manifeste est bien de Frenay. Le premier compagnon du jeune chef du MLN est Chevance (-Bertin) qui sera le responsable du recrutement pour Marseille - il recrutera à son tour Jean Gemähling comme responsable du Service de Renseignement ainsi qu' Henri Aubry - c'est Bertance donc qui a été le témoin de la rédaction par Frenay de ce manifeste qui sera un objet de polémiques virulentes 50 ans plus tard parmi les survivants de la Résistance intérieure.
Grâce aux enquêtes et aux recherches méticuleuses de Robert Belot, on suit les premières semaines de la création de ce qui deviendra le plus grand mouvement de la zone Sud puis de toute la France, un mouvement que Frenay stimule et dirige alors qu'il est encore persuadé du bien-fondé de la politique de Pétain.
Cordialement,
René Claude |