Dès maintenant on peut débattre sur le vol de Hess ou les relations himmléro-britanniques (j'avoue que l'affaire Windsor m'intéresse moins) à partir des données nouvelles, devenues, il faut du moins l'espérer, incontestables, que contiennent les documents non estimés faux par la
forensic examination.
Au premier rang je ferai figurer le télégramme expédié à 2h 50 le 24 mai par "Thomas" à Bruce-Lockhart. Cette pièce avait été examinée par Mrs Giles en 2005 et jugée suspecte sans plus. Puisqu'elle ne figure pas parmi les 29 faux publiés, présentés comme la totalité des "forgeries" découvertes, il faut croire que les nouveaux examens n'ont rien donné... et qu'elle n'est plus suspecte.
Il faut donc juger avec sévérité, sans accabler les personnes, certains comportements. Beaucoup d'observateurs ont en effet dit un peu vite que les assertions d'Allen sur le décès n'étaient fondées que sur des faux, ce qui était au moins imprudent. Un exemple :
According to Peake, IJI&C 20.2 (Summer 2007), the author "alleges that the British government ordered and implemented the assassination of Himmler" in order to prevent his testimony at Nuremburg that "Britain had entered into peace negotiations with Himmler without telling its allies." However, as the reviewer points out, the documents on which this conclusion is based have been determined to be forgeries. How these forgeries were placed in the British National Archives has not been determined.
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Que dit, donc, ce texte ?
Conformément à mes ordres nous avons intercepté avec succès H.H. la nuit dernière à Lünebourg avant qu’il puisse être interrogé. Selon les instructions, une action a été effectuée pour le réduire au silence définitivement. J’ai donné des ordres pour que ma présence à Lünebourg ne soit mentionnée en aucune manière, et nous pouvons conclure que le problème H.H. est terminé.
Il y a quelque chose de plus intéressant encore (dont je n'avais encore jamais fait état dans le débat) : la mention "transmis au PM le 25" qui, s'il faut faire confiance à ces experts qui ont mis si longtemps pour rendre leur copie, n'a pas non plus été jugée inauthentique. Cela clôt toute discussion sur l'implication de Churchill.
Implication dans quoi ?
On remarquera qu'il n'est pas question de meurtre. Il reste donc de la place pour l'hypothèse que j'avance depuis le déclenchement de l'affaire des "faux", et que je crois de plus en plus probable : la fourniture par un agent du PWE ou du SOE d'une ampoule de cyanure, assortie du conseil de prendre le risque de la cacher dans la bouche.
On m'avait objecté (et c'était, dans un fatras de considérations diverses, l'une des rares objections intéressantes) que Himmler ne se serait pas prêté facilement au scénario. "Mais tout de même, il est mort !" avais-je répondu (ou quelque chose d'approchant). A présent j'affine : la suggestion pouvait être parfaitement amicale ! L'agent avait pu se présenter comme un médiocre churchillien, admirateur de la lutte anticommuniste de Himmler, désireux pour cette raison de lui épargner et Nuremberg, et la corde. Tout en lui faisant sonner haut le fait que Churchill ne faiblirait pas plus dans son cas que dans celui de Hess (résolument interdit de contacts, notamment avec les Américains, alors que c'était présentement le dernier rêve de Himmler). Donc Nuremberg et la corde, dans un avenir proche (personne n'imaginait la longueur du procès), ou le cyanure, en essayant de le planquer le plus longtemps possible...
Un vieux Californien assurait, il y a quelques années, avoir fourni son ampoule à Göring alors qu'il était gardien à la prison de Nuremberg. Il avait agi, je crois, par admiration... et par amour ou du moins par désir, se laissant remettre un colis par une Allemande accorte. Ainsi, en cette période de pré-guerre froide, où tout le monde se demandait combien de temps l'alliance des communistes et des banquiers allait tenir, un nazi n'avait pas à s'étonner de recevoir des petits cadeaux d'un vainqueur occidental.