En plus de ne pas savoir lire, M. Rabino ne sait pas non plus compter - sans doute, une fois de plus, parce qu'il n'a pas son livre sous la main - car, que je sache, entre 1943, date qu'il a voulu faire passer pour celle de la déclaration de Bodington, et 1947, date qu'il admet finalement comme la vraie date de cette déclaration clé qui rend nulle et non avenue sa thèse, cela ne fait pas "cinq années". Ca en fait 4.
Mais cela ne lui suffit pas, il lui faut nous donner encore une information fausse à propos de la phrasede Bénouville sur les "journalistes juifs". Il affirme ici même qu'il l'a tirée de la p. 42 du Sacrifice du matin, dudit Bénouville. Dans sa bibliographie, il a indiqué deux éditions de cet ouvrage, celle de 1946 et celle de 1983. La phrase n'est pas à cette page dans l'édition de 46 ; en revanche, elle y est dans la réédition de 1983.
Seulement voilà : dans son livre, M. Rabino, écrit, p. 246 : "Déjà enclin à abhorer les "politiciens corrompus et les journalistes juifs" qui, d'après lui, composent le gros de la France libre, Bénouville, ex-camelot du roi, confirme : "Je n'étais pas le seul à éprouver ce genre de sentiment, et les agents anglais (...) l'exploitaient admirablement."" Or, Bénouville a écrit ceci, p. 42 : "LA RADIO DE VICHY ET LA PRESSE PRETENDAIENT qu'autour du général de Gaulle ne s'étaient rassemblés que des politiciens corrompus et des journalistes juifs."
M. Rabino attribue donc à Bénouville ce que celui-ci rapporte des propos tenus par les médias de Vichy. Non content de cet exploit bien digne d'un faiseur d'histoire, il accole à la première partie de SA citation une seconde, elle aussi pêchée dans la même édition du Sacrifice du matin, mais 55 p. après, p. 97-98, et que, conformément à son excellente habitude, il réécrit à sa sauce. Bénouville a écrit :"Il faut d'ailleurs noter que, si j'éprouvais une grande admiration pour les soldats combattants du général de Gaulle que j'avais tenté de rejoindre, j'étais plein de réticences extrêmement sérieuses devant les politiciens qui tentaient de se regrouper à Londres. Il était évident pour moi que les partis avaient fait faillite dans la préparation de la guerre, à Munich, à la capitulation et devant l'occupation (...) Je n'étais pas seul à avoir cette opinion sur l'entourage de l'état-major français de Londres. Elle était intelligemment exploitée par les agents anglais envoyés en France en missions secrètes et qui prenaient contact avec nous."
Ainsi Bénouville, comme l'immense majorité des Résistants, affiche sa détestation des partis faillis et des politiciens qui ont, selon lui, mené la France au désastre, exprime sa hantise de les voir se recycler auprès de De Gaulle, mais ne reprend pas à son compte les propos des médias vichystes sur les journalistes juifs.
Cela dit, que, avant-guerre, Bénouville ait été antisémite est plausible vu son engagement dans les Camelots du roi et son admiration pour Maurras. Mais qu'il le soit demeuré après 1942, date de son entrée en Résistance, et après la guerre n'est pas plus avéré que son appartenance à la Cagoule dont Rabino, toujours aussi prompt à conclure sans connaître le sujet à fond, lui prête, p. 216.
Une fois de plus - chaque fois, en fait - M. Rabino nous raconte des histoires, pas l'Histoire. Mais ce n'est jamais de sa faute. Dont acte.
Jacques Baynac |