Bonjour aux lecteurs de Livres de Guerre.
Comme promis, voici donc une petite présentation de mon livre,
Le Réseau Carte, à paraître le 3 avril aux éditions Perrin.
La référence au réseau Carte survient dans quantité de publications, qu'il s'agisse de mémoires (Frenay, Bourdet, Bénouville, etc...) d'ouvrages historiques (
La France libre, de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, ceux de Daniel Cordier, les incontournables Noguères, Foot et Mackenzie sur le Special Operations Executive, voire les travaux de Jacques Baynac...). Pourtant, Carte n'y est abordé, au mieux, que de manière très fragmentaire.
Rayonnant depuis la Côte d'Azur, essaimant dans toute la France et même au-delà, le réseau Carte a pourtant compté, à l'été 1942, comme l'une des plus importantes organisations de zone sud. Financé et armé par le SOE, Carte dispose alors de moyens considérables qui font grandement défaut à une résistance ralliée à la bannière gaulliste : par mer et par air, des mitraillettes Stens, des postes radios (plus d'une trentaine) et des agents anglais lui sont attribués en même temps qu'il acquiert le statut d'interlocuteur privilégié du SOE. Et pour cause, Carte va être utilisé par les Alliés comme un pôle destiné à déstabiliser de Gaulle : fort de puissants moyens d'action, le réseau débauche quantité de résistants jusqu'alors membres de Combat, Libération ou Franc-Tireur. En Angleterre, l'organisation est pourvue d'un poste "clandestin", Radio-Patrie, destiné là aussi à concurrencer les émissions de la France libre. Cela à une période où de Gaulle se voit écarté du débarquement en AFN... avec, on l'imagine, l'émergence de graves tensions à tous les niveaux de la hiérarchie résistante.
Surtout, Carte, qui compte dans ses rangs de nombreux cadres de l'armée d'armistice, présente l'incroyable intérêt d'une force apolitique prompte à s'insurger contre les revendications légitimistes du général de Gaulle.
Il n'en fallut guère plus pour propulser le réseau Carte au coeur d'une des plus étranges affaires de la Résistance.
Antigaulliste viscérale, cette organisation brasse un étonnant cocktail d'individualités mondaines et militaires, rassemblées par André Girard, un chef aussi charismatique qu'énigmatique. Comment un simple peintre et publiciste de son état a t-il pu créer de toute pièce un réseau d'obédience militaire ?
Pour répondre, entre autre, à cette question, j'ai pu me pencher sur les archives de Girard, jamais exploitées à ce jour. Des années 1920 jusqu'à sa mort, survenue en 1968, des centaines de lettres, de mémos, de dessins et autres journaux intimes permettent de brosser les circonvulsions d'un destin hors-norme. Fil conducteur du livre, la vie de Girard nous mène du Tout-Paris de l'entre-deux-guerres au gotha de la Résistance, puis de Londres à New York et Washington où cet étrange personnage reprendra du service sous une forme pour le moins inattendue.
Complété par les Archives nationales, celles du SOE et de l'OSS, d'autres fonds privés et les souvenirs recueillis par mes soins auprès de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Maurice Druon et Raymond Aubrac, sans oublier ceux des filles de Girard, notamment Danièle Delorme, ce travail éclaire d'un jour nouveau le réseau Carte, prend le contre-pied d'hypothèses largement répandues - notamment "l'intox Carte", portée par Jacques Baynac dans
Présumé Jean Moulin - et met en lumière de multiples zones d'ombre.
Au plaisir de vous lire et de répondre à d'éventuelles questions,
bien cordialement,
Thomas Rabino.